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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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invite, me demanda
permission de s’asseoir, tant il était fourbu, encore qu’il me parût, à la
lumière de la chandelle, plus rayonnant que las.
    — Ha !
de grâce, Moussu ! dit-il, si vous devez après vos comptes retourner en la
librairie, remettez votre fraise. Il faut que le roi déteigne sur vous. Je ne
vous ai jamais connu si peu coquet…
    — Bah !
dis-je, la peste soit du cruel tailleur qui inventa la mode de ce carcan, si
malcommode en hiver, si insufférable en été. Mais, mon Miroul, je gage que tu
n’es point venu céans pour jaser de cet affiquet.
    — Nenni,
Moussu, dit-il d’un air grave, un problème m’exagite dont je voudrais vous
entretenir.
    — Voyons
cela.
    — C’est
que, Moussu, dit-il avec une réticence fort peu dans sa complexion, j’ai
quelque vergogne à vous en toucher mot, craignant que vous ne vous gaussiez de
moi.
    — Cornedebœuf !
La fraise d’abord ! La vergogne ensuite ! Que de préfaces !
Parle, mon Miroul !
    — Eh
bien, Moussu, voici : est-il coutumier et bienséant, quand on a acheté une
terre, de prendre son nom ?
    — Mon
Miroul, dis-je avec une gravité imitée de la sienne (encore que cet entretien,
que j’avais prévu, me titillât fort), je ne sais pas si cela est bienséant, ne
possédant pas en mon esprit les balances qu’il faut pour peser ces sortes de
nuances. Mais c’est à coup sûr, coutumier. En veux-tu des exemples ?
    — Rien,
Moussu, ne me ferait plus plaisir, dit Miroul d’un ton dévot.
    — En
voici trois : Quand mon grand-père, Charles Siorac, apothicaire à Rouen,
fut étoffé assez pour s’acheter le moulin de la Volpie, il s’appela Charles de Siorac, seigneur de la Volpie. Combien que mon père se gaussât de ce de, il ne laissa pas que de le conserver. Et combien qu’il ne fût pas
légitime, il le légitima en étant lui-même promu capitaine dans la légion de
Normandie [47] .
    — Moussu,
dit Miroul qui buvait mes paroles et de l’ouïe, et de ses yeux vairons, il ne
s’agit point pour moi de glisser un de avant Miroul, mais de m’appeler
Monsieur de La Surie. Le peux-je ?
    — Assurément,
tu le peux, mon Miroul.
    — Je ne
voudrais, cependant, pas qu’on rie de moi.
    — Les
rieurs ne riront qu’un temps. Quand mon très regretté maître en médecine de
Montpellier le révérend docteur Salomon acheta sa vigne de Frontignan, il prit
le nom de ladite vigne et s’appela M. d’Assas. Tant est que les gens qui ne
l’aimaient point, voulant rappeler qu’il était marrane, l’appelaient
malicieusement le D r Salomon, dit d’Assas. Mais ces méchants étant
désarmés avec le temps par son savoir et sa bénignité, c’est le d’Assas qui
prévalut.
    Après quoi,
envisageant mon Miroul, je me tus.
    — Moussu,
dit Miroul que ces histoires laissaient irrassasié, vous avez mentionné trois
exemples.
    — Il est
vrai.
    — Quel
est donc le troisième ?
    — Michel
de Montaigne.
    — Quoi ?
N’était-il pas noble ?
    — Il le
devint quand, sur les instances d’Henri Troisième, il accepta d’être le maire
de Bordeaux, lesquelles fonctions conféraient l’anoblissement. Mais il ne
l’était pas de prime. Son père, qui était marchand, s’appelait Eyquem, et
achetant la terre de Montaigne, en prit le nom, et laissa le
« Eyquem » choir dans un oubli, d’où son fils n’eut garde de le
tirer.
    — Moussu,
dit Miroul qui paraissait de présent fort pressé de me quitter, ayant hâte, je
gage, de répéter mes exaltants propos à la Florine, je ne voudrais vous
déranger plus outre. Plaise à vous de me bailler mon congé.
    — Du bon
du cœur, dis-je.
    Et me levant,
je lui donnai une forte brassée et le baisai sur les deux joues. Après quoi je
le raccompagnai jusqu’à ma porte, et l’ayant ouverte, et devant lui m’effaçant
pour lui livrer passage, je lui dis avec gravité :
    — Bonsoir,
Monsieur de La Surie.
     
     
    Avec mes gens,
ceux de mon père et ceux de Quéribus – les plus nombreux – je
rassemblai une si forte escorte pour mener mes charrois de grains en Paris
qu’il n’y avait guère à craindre que nous fussions attaqués par les brigandeaux
qui battaient le pays. Aussi bien passai-je d’abord par Saint-Denis où je quis
et obtins de my Lady Markby de laisser mon chargement en ses remises, ne
voulant pas le hasarder au passage de la porte Saint-Denis sans être assuré
qu’il y passerait sans encombre, la trêve empêchant les actes de

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