La Violente Amour
Nantes, de Sées, de Digne, de Maillezais, de
Chartres, du Mans, d’Angers, de Bayeux et d’Évreux. Sous le prétexte d’aller
prier dans l’église de Montmartre, le roi monta à cheval et piqua si
promptement que M. de Rosny et sa suite (dont je fus) n’eussent jamais pu le
rattraper, si nous n’avions su où le portait son furieux galop.
Et encore
n’arrivâmes-nous devant l’église de Montmartre (à laquelle s’attachait pour le
roi le charmant souvenir de la nonnette) que pour l’en voir saillir, salué par
les acclamations d’un grand concours de peuple qui, pendant qu’il était à ses
brèves dévotions, avait allumé des feux de joie sur la place.
Sautant à
cheval, le roi piqua derechef comme fol et nous le suivîmes, sans savoir où il
allait. Mais il n’allait qu’à la plus proche boucle de la rivière de Seine où,
bridant sa monture, il démonta, se dévêtit en un battement de cil, et nu dans
sa natureté, plongea dans l’eau, aussi heureux de s’y ébaudir qu’un écolier qui
a échappé à ses régents.
Ses
gentilshommes, sans oser le rejoindre, se rassemblèrent alors sur la berge
herbue, pour le considérer, et il eût été facile alors, rien qu’à leur apparence,
de distinguer les seigneurs catholiques des seigneurs huguenots : Les
premiers jasant haut et portant un air rieur, les seconds muets et la face fort
longue. Un de ceux-ci s’approchant de Rosny qu’apparemment il connaissait bien,
lui dit à voix basse et d’un air mal’engroin :
— Savez-vous
ce que fait le roi ?
— Vous le
voyez comme moi : il nage, dit Rosny.
— Nenni !
Il se lave du péché qu’il a commis en oyant sa belle messe.
CHAPITRE XII
Le lendemain
de l’abjuration du roi, je reçus une lettre du majordome de ma seigneurie, me
mandant qu’il moissonnait mes blés du Chêne Rogneux et qu’il m’attendait pour
que j’en disposasse selon ce que je jugerais bon. La trêve continuant entre les
ligueux et royalistes – tant est qu’un grand nombre de Parisiens saillait
des murs chaque dimanche pour venir voir le roi à messe – au grand
déplaisir des Seize, du légat et du duc de Feria – j’envoyai Miroul
à mon logis de la rue des Filles-Dieu afin qu’il me ramenât Pissebœuf,
Poussevent et mes chevaux. Là-dessus, mon père, oyant que j’allais départir
pour Montfort l’Amaury, voulut à moi se joindre, afin que d’embrasser non point
seulement Samson, toujours fort heureux à ce qu’il me dit, en ses bocaux et en
sa Gertrude, mais aussi ma petite sœur Catherine qui s’encontrait chez moi avec
Quéribus. Je fus fort aise, et de sa compagnie, et du renfort de sa petite
escorte que commandait le géantin Fröhlich, mon bon Suisse de Berne, sur lequel
je ne pouvais jeter l’œil sans me ramentevoir notre fuite désespérée par les
rues de Paris à l’aube de la Saint-Barthélemy. Là-dessus, Fogacer, qui était
fort affectionné à Angelina, faisant en sa présence l’enfant et le petit
espiègle, et n’aimant rien tant qu’être tancé par elle, quit de moi d’être de
la partie, ce à quoi volontiers j’acquiesçai, mais non point Mgr Du Perron,
qui, se cuidant au moindre pet à deux doigts de la mort, se fit énormément
tirer l’oreille pour se passer de son médecin. Il y consentit enfin, et moi à
ce que Fogacer emmenât Jeannette avec lui.
— Hé
quoi ! dit mon père, une garce en ce périlleux voyage !
Cornedebœuf ! Emmenez-vous par les chemins votre fournaise anglaise ou
votre drapière de Châteaudun ?
— My Lady
Markby, dis-je, ne peut quitter la Cour, ni ma belle drapière, sa boutique. Et
ferais-je à Angelina l’affront de les amener chez moi ? Jeannette voyagera
en ma coche.
— Tout du
même, dit mon père.
Cependant, il
changea quelque peu d’avis, quand il vit Jeannette, fort bien attifurée en
damoiselle de bon lieu, et tant belle que coite : deux qualités qui ne pouvaient
manquer de lui plaire.
— Mon
fils, me dit-il, tandis qu’il chevauchait avec moi quelque peu en avant de la
troupe et au botte à botte, crede mihi experto Jehanno [45] rien ne
passe en commodité une garce qui n’ouvre le bec que pour manger et pour vous
mignonner. Fi des intarissables jaseuses ! Il faut bien avouer que votre
Fogacer, pour se dévergogner sur le tard, a eu la main heureuse. La mignote est
cette sorte d’abricot qu’on aimerait cueillir à même la branche pour s’en
régaler.
— Bah !
dis-je en faisant la
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