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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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moue (encore qu’ébaudi assez en mon for) je ne sais qui
prétend que la robe ne fait pas que le moine : elle fait la femme aussi.
Jeannette a, certes, un fripon minois, mais vous savez tout ce que nos
élégantes s’ajoutent d’artifices qui-cy qui-là, pour se rondir, tant est qu’on
ne peut juger d’elles que nues en leur natureté. Dévêtue, Jeannette vous
décevrait.
    — Mon
instinct me dit que non ! dit mon père.
    — Mon
instinct me dit que si ! dis-je en riant. Mais, Monsieur mon père,
repris-je, gardez-vous de lui donner le bel œil, Fogacer se montre ès amours
d’une jaleuseté de Maure.
    À peine
avions-nous mis le pied dedans le Chêne Rogneux que Florine submergea mon
Miroul, et de ses poutounes, et d’infinies jaseries sur la terre de La Surie,
laquelle mon voisin le vidame, étant vif mais mal allant, ne voulait vendre que
d’une fesse, tortognonant dès qu’on lui en parlait, haussant les prix dès
qu’acheteur se présentait, étant travaillé du secret désir d’y terminer ses
jours : ce à quoi il réussit plus tôt qu’il ne le pensait, étant
archiligueux et se trouvant pris de saisissement à la nouvelle de l’abjuration
de Navarre. Ses héritiers, dès le sèchement de leurs larmes, ne rêvèrent que de
vendre en courant la poste, pour ce qu’ils n’appétaient à rien tant qu’à
pécunes pour un plus prompt partage, et leur hâte étant telle à palper les
clicailles que le prix pour cette belle terre (et un manoir point du tout
mesquin, et au surplus, meublé) descendit à vingt mille écus.
    J’avais trop à
faire à mignonner ma famille, tant femme qu’enfants, frère, sœur et beau-frère,
à user délicieusement mes oreilles à les ouïr, mes bras à leur bailler
brassées, et mes lèvres à les poutouner, pour occuper tout de gob mon pensement
à la râtelée de Florine, mais retiré après la repue du soir en ma librairie
(comme c’était jà la coutume à Mespech) avec mon père, Samson, Quéribus,
Fogacer et Miroul, je soulevai le point et dis à mon Miroul qu’ayant comme moi
passé quarante ans, le moment était venu pour lui d’acheter une terre qui lui apportât,
tout ensemble, profit et renom sans cependant relâcher du tout le lien qui
l’unissait à moi ; que je connaissais ces terres de La Surie, qu’elles
étaient bonnes du temps du vidame, qu’elles deviendraient meilleures par son
plus avisé ménage, que j’avais les laboureux, les charrues, les charrois, les
chevaux et un bon majordome, desquels il pouvait disposer, que je lui
avancerais du bon du cœur dix mille livres pour l’épauler à cet achat,
lesquelles il me repaierait sans usance aucune, au fil des ans, sur ses
récoltes.
    Mon Miroul fut
tant interdit que j’envisageasse l’achat de cette terre devant un tel aréopage
qu’il demeura coi, et coi si longtemps que mon père, se méprenant sur le sens
de ce silence, dit d’une voix grave :
    — Miroul,
j’ai un million de fois mercié le ciel du jour où tu t’es introduit dans ma
maison de Mespech, car encore que cette irruption m’irritât prou sur le moment
(phrase qui fit rougir fort Miroul car étant alors un pauvre galapian affamé,
orphelin de surcroît, il n’avait escaladé nos murs que pour nous rober un
jambon)… Ce n’était là, poursuivit mon père, qu’une de ces bénédictions
déguisées que le Seigneur nous envoie parfois en ses imperscrutables desseins,
mon fils Pierre te devant, depuis vingt-cinq ans, tant de sages conseils et
d’inestimables services.
    — Et qui
plus est, la vie ! dis-je avec feu. Et non point une fois, mais dix !
Mais vingt ! Au-delà même de tout compte que je pourrais faire !
    — Aussi,
Miroul, reprit mon père, suis-je disposé, pour te prouver ma gratitude, à
t’avancer cinq mille écus pour l’achat de La Surie.
    — Et moi,
dit Samson promptement, deux mille.
    — Et moi,
dit Quéribus, deux mille.
    — Et moi,
dit Fogacer, mille. Il est vrai, ajouta-t-il, avec son sinueux sourire que de
cette somme, je n’ai pas le premier sol vaillant, mais voilà bien le bon et le
commode de servir une soutane violette : Je suis, de présent, quasiment
d’Église, et on me fera crédit.
    À quoi mon
père rit à gueule bec, et Quéribus, et Samson, et moi : rires auxquels se
joignit mon Miroul, combien que les larmes lui ruisselassent au même moment sur
la face de par le soudain émeuvement que notre grande amour lui avait baillé.
Cependant, nos rires ayant

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