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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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guerre, mais
non point les voleries. Raison pourquoi, à peine eus-je mis le pied dedans
Paris que je courus visiter le capitaine Tronson et lui dis qu’ayant du blé à
vendre, je ne le passerai que peu à peu, par modeste charroi, et seulement le
jour où il serait de garde à la porte Saint-Denis.
    — Et où
serait mon profit ? dit Tronson, sa prunelle se rétrécissant.
    — Un sac
de blé par charroi.
    — Mon
compère, il y a sac et sac. Je dirais un setier.
    — Va pour
le setier.
    — C’est
bien, mais ce n’est pas bastante, dit Tronson. Il faudrait aussi que vous ne le
vendiez qu’aux personnes que je vous désignerais.
    — Pourquoi ?
    — Pour
qu’elles me graissent à leur tour le poignet, le blé étant si rare.
    — Capitaine,
dis-je en riant, vous voulez toucher à toutes mains ! Cependant, j’ai mes
amis, à qui je veux vendre sans les soumettre à ce péage.
    — Combien
sont-ils ?
    — Trois.
    — Je
n’aime point cela, dit Tronson en hochant la tête et sa bedondaine se gonflant.
C’est tout perte pour moi.
    — Capitaine,
je pourrais passer par une autre porte que la porte Saint-Denis, et conclure
bargouin avec un autre capitaine.
    — Point
du tout. Vous topez avec moi. Je vous concède vos amis.
    — Tope
donc, capitaine.
    — Et
trinquons. Holà, Guillaume ! Apporte céans un flacon de mon vin de
Cahors ! Mon compère ! Vous avez le bon œil ! Je gage que j’ai
davantage gagné en dix minutes de jaserie avec vous qu’à façonner dix
cercueils.
    Ne voulant
point apparaître en ces bargouins en ma qualité de marchand drapier, je les
laissai régler et conclure par mon majordome, me contentant pour moi
d’alimenter en blé ma petite mouche d’enfer Alizon, Pierre de L’Étoile et M me de Nemours, tous trois gratis pro Deo, encore que seule la condition
d’Alizon requît cette gratuité pour ce que son commerce de bonnets, de corps de
cotte, de faux culs, de fraises et autres affiquets était tombé quasi à néant
du fait du siège et de l’appauvrissement de tous, les biens ne circulant plus.
    Mon pauvre
Pierre de L’Étoile me parut pâtir prou du fait qu’avec la trêve, son épouse
était revenue au logis, ce qui fit que la pauvre Lisette en fut chassée en un
tournemain. Ce qui eut aussi pour double effet et de vieillir le bon L’Étoile,
et de gonfler sa bouche de plus belle de discours moraux sur la corruption des temps.
Cependant, Pierre de L’Étoile, me prenant à part, me supplia de prendre sa
Lisette à mon service pour ce que, disait-il, la pipaient si aisément les
mignardies des hommes qu’elle se pourrait, étant si naïve, se laisser à nouveau
appâter par un de ces vaunéants qui, faisant boutique de son corps, la mettrait
en état de villité publique. Fortune, à ses yeux, à peine moins déplorable que
d’être mangée rôtie par les lansquenets.
    Je pris donc
Lisette en mon logis de la rue des Filles-Dieu, ce qui ravit Héloïse, qui eut
là, sous la main, quelqu’une de sa condition à qui jaser tout au long de ses
travaux, tout en les allégeant, mais non point Doña Clara, qui me soupçonna de
vouloir faire de la mignote un plat de ma façon. Et à dire le vrai, lecteur, la
galapiane me gardait une telle gratitude de l’avoir sauvée de la broche, et
elle était de sa personne tout à la fois si mince et si rondie, l’œil si clair,
le teint si fraîchelet que j’eusse, se peut, succombé à la friandise que
j’avais d’elle sans la crainte d’encombrer ma vie davantage qu’elle n’était
déjà.
    Je fis livrer
dix sacs de blé à M me de Nemours par mon majordome, avec une missive
où, protestant de mon éternel respect, je la suppliai de me bien vouloir
recevoir dans l’après-midi. Ce à quoi elle consentit dans un billet si roide
que j’en augurai qu’elle avait pris à mauvaise dent ma longue absence. Et en
effet, à peine fus-je admis en son salon que, sourcillant, elle m’épia de son
haut, la bouche fort serrée, ce qui me désola, car dès qu’elle se déclosait,
elle était si belle.
    J’observai,
cependant qu’elle avait fait quelque toilette pour me recevoir, étant vêtue
d’un corps de cotte et d’un vertugadin de satin bleu pâle très emperlé, et le
cou qu’elle avait long, flexible, et délicat, non point engoncé dans une
fraise, mais laissé libre dans un décolleté, sa nuque étant appuyée sur une
grande collerette brodée au point de Venise, comme en portait la reine
Elizabeth quand

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