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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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baisers furieux. Et,
belle lectrice, dois-je le dire, sans me forcer le moindre : la comédie
n’y était pas. On ne pouvait, à cet instant, aimer M me de Nemours
plus que je ne l’aimais et bien le sentit-elle par cette profonde et subtile
sympathie qui n’a besoin de mots, ni même de regards, pour communiquer.
    — Cessez,
Monsieur ! Cessez ou vous me fâcheriez ! dit-elle sur un ton si peu
fâché qu’elle s’en aperçut elle-même, et n’étant point chattemitesse, s’en mit
à rire comme une nonnette. Et m’ayant donné une petite tape sur la tête, laissa
retomber sa main comme par mégarde sur les boucles de mes cheveux et l’y
abandonna, comme oubliée, tandis que je continuais à baiser ses doigts mais
bien moins furieusement que de prime, de peur que le souci de son rang et de sa
vertu, alarmant enfin sa pudeur, ne rompît le charme du moment.
    — Madame,
dis-je, en renouant, pour la distraire d’un retour de vergogne, le fil de notre
connivente comédie, me pardonnez-vous enfin mon absence ?
    — Seulement,
Monsieur, dit-elle, si vous l’expliquez.
    — Madame,
dis-je sans lever la tête afin de non point perdre le poids léger et délicieux
de sa main sur mes cheveux, j’ai vaqué aux affaires de mon état.
    — Ce qui
signifie, dit-elle non sans piquant, que vous fûtes voir votre cousine, la
belle drapière de Châteaudun.
    — Il le
fallait, étant à elle associé. Mais j’y demeurai peu de temps.
    — Et à
Saint-Denis pour vendre à my Lady Markby vos satins et velours, laquelle vous
logea.
    — Ce fut
un effet de sa bonté.
    — De ses
bontés ?
    — Madame,
j’ai dit « bonté ».
    — Hé,
Monsieur ! Touchant une dame que le roi appelle « la
fournaise », sait-on où finit sa bonté et où ses bontés commencent ?
    — Madame,
c’est un joli mot : pourrais-je le répéter au roi ?
    — Quoi ?
Vous osez l’appeler le roi ? Et non plus Navarre ?
    — Madame,
il s’est converti.
    — Et vous
le voyez ! Vous avez le front de le voir ! C’est trahison !
    — Cette
trahison m’a permis, pendant le siège, de vous envitailler.
    — Est-ce
donc à lui que je dois ces sacs de blé qui encombrent ma cour ?
    — Non,
Madame, c’est un présent de moi.
    — De
vous ? Croyez-vous, Monsieur, que toute impécunieuse que je sois, mes
intendants prenant prétexte de la guerre pour ne me plus payer mes revenus, je
vais accepter un présent aussi considérable d’un grand maraud de maître
drapier ?
    Ce disant,
elle corrigea ces paroles d’une petite mignonnerie de la main dans mes cheveux,
si rapide et si légère que je doutais après coup l’avoir ressentie, alors même
que sur l’instant, cette caresse me donna de la nuque à l’orteil un délicieux
frisson.
    — Madame,
dis-je, je vous supplie d’accepter ce blé comme le modeste présent du plus
humble et du plus adorant de vos serviteurs.
    — Monsieur,
« adorant » est de trop. Et le présent n’est point modeste, par ces
temps renchéris. Allons, Monsieur, c’est assez, relevez-vous. Et asseyez-vous
là sur ce tabouret, à mes pieds, comme il convient à votre
« humilité », laquelle je décrois tout à plein : votre œil la
dément sans cesse. D’où vient ce blé ?
    — De ma
terre.
    — Quoi ?
Vous possédez une terre ? Et vous n’en avez pas pris le nom ?
    — Je n’en
ai pas vu le profit.
    — Le
profit ! Ne savons-nous pas qu’une terre aujourd’hui est une savonnette à
vilain par quoi les marauds fortunés se décrassent de leur roture…
    — Ma
roture me convient.
    — Comme
votre humilité, sans doute, et tout humble et roturier que vous soyez, Maître
Coulondre, vous voilà tourné royaliste !
    — Madame,
ce n’est pas moi qui ai tourné royaliste, c’est le peuple ! Vous savez comme
moi qu’on a dû lui interdire en Paris, maugré la trêve, de se rendre en masse à
Saint-Denis pour voir le roi à messe et l’acclamer. Vox populi, vox dei.
    — Que
veut dire ce charabia ?
    — La voix
du peuple, c’est la voix de Dieu.
    — La Dieu
merci, j’espère bien que non ! dit M me de Nemours en se levant.
Et se mettant à marcher qui-cy qui-là dans son salon, ce que je ne lui avais
jamais vu faire jusque-là, elle reprit :
    — Mais il
faut le dire à la parfin, Monsieur, puisque c’est vrai. La conversion du roi
fera la ruine de ma famille.
    — Madame,
vous-même dites, de présent, le roi.
    — Eh
bien, ne l’est-il pas ? Et ne

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