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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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n’avaient pas été bien reconnus par
le précédent règne, l’ont été tout à plein par M. le duc de Mayenne puisqu’il
vous a nommé maréchal de France. Cependant, cet honneur est d’autant plus
précaire que M. de Mayenne n’est pas le roi de France et n’avait pas le pouvoir
de le décerner. Au rebours, on peut espérer que la personne qui protège M. de
Saint-Luc et qui s’intéresse aussi à vous, puisqu’il vous a fait parvenir cette
lettre par mon truchement, pourrait reconnaître assez vos mérites pour vous
confirmer ledit honneur, dès lors qu’elle serait en position de le faire. Ce
serait là, de reste, le premier, mais non le dernier des grands avantages que M. de Saint-Luc aurait à vous proposer et dans le détail desquels il est
seul autorisé à entrer.
    M. de Brissac
ouït ce discours avec un petit brillement de l’œil qui laissa place à la
placidité la plus niaise, dès que je l’eus achevé.
    — Monsieur,
dit-il, j’avoue que me voilà gros Jean comme devant et que ma lanterne n’est
pas plus éclairée. J’entends bien, poursuivit-il en jetant un œil étonné sur le
passeport qu’il tenait sur son genou, que je pourrais pénétrer en Saint-Denis
et en ressortir librement. Mais pourrais-je en conscience saillir de Paris pour
aller visiter M. de Saint-Luc ? Je ne le crois. Mon confesseur, qui est un
révérend père jésuite, très savant, et qui a sur toutes choses des lumières que
je suis bien loin de posséder, tient la conversion du roi de Navarre pour nulle
et son sacre pour une palinodie. Tant est que le roi de Navarre est hérétique
et relaps comme devant et tous ceux qui le servent et l’approchent sont ipso
facto excommuniés. Je craindrais fort, ajouta-t-il l’œil baissé, et le ton
dévotieux, de courir cet horrible hasard, préférant le salut de mon âme à tous
les biens de ce monde. Il est vrai que je pourrais, pour cette visite demander
une dispense au légat du pape en Paris, mais je suis assuré qu’il ne saurait me
l’accorder et que ma démarche même ne pourrait que nourrir des suspicions
injustifiées quant à mon inébranlable loyauté touchant l’Église et la Sainte
Ligue.
    M’ayant opposé
ce non si ferme avec une élégance de langage qui démentait l’air simplet avec
lequel il l’avait prononcé, M. de Brissac fit une chose apparemment bien
étrange et qui me donna fort à penser. Au lieu que de me rendre le passeport du
roi, qui eût dû lui paraître dès lors inutile, il le serra dans son pourpoint.
    Belle lectrice
dont j’aime à imaginer que les lèvres traduisent toujours fidèlement le cœur,
je crains qu’en lisant les lignes qui précèdent, vous ne vous soyez pas formé
une opinion trop bonne du comte de Brissac, le trouvant défiant, cauteleux,
renardier, dissimulé et maugré ses belles paroles, l’œil très attaché à son
particulier. Et assurément, si un tel homme devait tâcher de conquérir vos
affections par les douces apparences et par le miel dont il n’est pas chiche,
je ne saurais trop vous mettre en garde contre le pied fourchu que cachent ses
bottes espagnoles. Mais la Dieu merci, il ne s’agit pas de votre tendre
personne, mais des affaires de l’État, lesquelles en ont vu d’autres.
    Si vous voulez
bien admettre que les voies du Seigneur sont impénétrables, vous voudrez bien
me concéder aussi que les outils dont il use pour parvenir à ses fins, peuvent
parfois n’être pas toujours ragoûtants. Le roi Louis XI fut assurément le
plus grand dupeur de la Création et cependant, nous nous accordons tous à
louer, ce jour d’hui, les bons effets politiques de cet exécrable défaut.
S’agissant du royaume et du roi, j’ose quérir de vous la même indulgence pour
le comte de Brissac. Là où Belin avait échoué en raison de ses vertus, Brissac
réussit par ses vices, et réussit sans dol ni dommage, et sans que le sang fût
versé. Ce n’est pas un mince mérite. Et si vous voulez bien imaginer, belle
lectrice, la somme émerveillable de prudence, d’artifice et de ruse qu’il lui
fallut pour tromper les prêchaillons, les     Seize, le duc de Feria et
le légat du pape, toutes gens habiles, vigilantes et fort suspicionneuses, vous
voudrez bien accorder à la parfin qu’il fallait bien un Brissac pour
surjésuiter les jésuites.
    J’ai su plus
tard que le comte, en sa serpentine prudence, s’était posé des questions sur ma
visite, sur mon rollet, sur l’authenticité de la

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