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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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petit vas-y-dire pour me
mander que Brissac me recevrait à son logis sur le midi et que lui-même aurait
l’heur de m’y conduire. Et moi, fort impatient qu’il y eût encore tant de temps
entre cet entretien et moi, j’imaginai de le rogner en allant voir mon bon
L’Étoile qui, d’entrée, me bailla une forte brassée et me posa des questions à
l’infini sur le roi, lesquelles, toutefois, il interrompit (son huis s’étant
refermé sur M me de L’Étoile et deux de ses chambrières qui partaient
à la moutarde) afin que de s’inquiéter de Lisette.
    — Mais
elle va fort bien, dis-je, encore qu’elle vous regrette fort et parle toujours
de vous avec l’affection la plus pure.
    — Pure,
dit L’Étoile, n’est peut-être pas le mot approprié. Il n’empêche que je
trouvais la mignonne bien intéressante et qu’il m’arrive même, le croirez-vous,
de regretter le siège ! Surtout, ajouta-t-il d’un air vertueux, dès lors
que j’eus renvoyé M me de L’Étoile à notre maison des champs, et
n’eus plus à me faire du souci pour elle.
    — Qui
sait, dis-je en souriant si, la guerre reprenant, le siège ne va pas
recommencer.
    — Ha !
que nenni ! dit L’Étoile, le fruit est à point. La conversion du roi l’a
mûri. Il va d’une minute à l’autre tomber de la branche à la bouche.
    — Quoi !
dis-je, même avec, comme gouverneur, un archiligueux comme Brissac ?
    — Brissac,
s’écria L’Étoile en levant les bras au ciel, est archiligueux comme je suis
archevêque ! Non, non, mon bon ami, Brissac est du parti de Brissac, et
sait toujours à merveille de quel côté sa tartine est la mieux beurrée.
    — Exemple ?
    — Ils
pullulent. En voici un. En décembre 91, Brissac tient Falaise avec de bonnes
troupes pour Mayenne. Navarre survient et le somme de capituler.
    « — J’ai
juré sur mes Pâques, dit dévotieusement Brissac, de ne capituler jamais. »
    « Là-dessus
Navarre amène son canon, Brissac prend langue avec les assaillants, et
moyennant la vie sauve, livre la ville qui est pillée.
    — Serait-il
bas de poil ?
    — Je
dirais qu’il n’entend pas mettre sa vie et son avenir au hasard, quand il peut
s’en tirer autrement. L’affaire de Falaise n’empêcha pas d’ailleurs Mayenne,
quatre ans plus tard, de le nommer maréchal de France.
    — Et il
tient à ce titre ?
    — Énormément.
Et d’autant plus qu’il n’a jamais combattu.
    — Est-il
bien vu des Seize ?
    — Fort
bien. Ils lui savent gré de ce qu’il a reproché à Mayenne d’avoir exécuté les
assassins du président Brisson. Il est vrai que Brissac ne fit ce reproche à
Mayenne qu’après leur exécution, étant bien assuré alors de ne pas être écouté.
    — Le
chattemite ! Comment est-il considéré par le Parlement ?
    — Fort
bien ! Il assure tous les jours ces messieurs que, lui gouverneur, ils
n’auront à redouter des Seize ni arrestations ni assassinations.
    — C’est
donc, mon cher L’Étoile, un parfait Janus.
    — Sauf,
dit L’Étoile, qu’il n’a pas que deux faces, comme Janus. Il en a au moins trois
ou quatre.
    — Je
regrette cependant Belin, dis-je. Belin aurait livré la ville au roi.
    — Que non
pas, Monsieur mon ami, dit L’Étoile. Belin l’eût voulu, mais n’eût pu
l’accomplir. Pauvre Belin ! Il n’avait qu’une langue dans sa bouche. Il ne
savait ni mentir ni contrefeindre. Il disait : « Je suis un Français
naturel, je ne serai jamais espagnol. » Si Brissac ouvrait Paris à
Navarre, la veille il dirait au duc de Feria : « Monsieur le Duc,
comptez-moi, je vous prie, parmi les plus fidèles serviteurs de Sa Majesté très
catholique. »
    — Et
croyez-vous que Brissac livrera Paris au roi ?
    — Mon
cher et immutable ami, dit Pierre de L’Étoile, sotto voce en
m’envisageant œil à œil, n’est-ce pas pour cela que vous êtes céans ?
    À quoi je fus
béant qu’il eût interprété si bien et si vite le flot de mes questions. Et
comme je me levai, ayant jeté un œil sur ma montre-horloge qui pendait autour
de mon cou, il ajouta :
    — Ne
redoutez point ma langue. La persécution des Seize m’a appris, et la
prudence, et le silence. Et mon Pierre, une chose encore, reprit-il d’un air
quelque peu vergogné. Seriez-vous offensé si, en votre absence j’allais rendre
visite à votre logis de la rue des Filles-Dieu ?
    — Mais
pas le moindrement du monde, dis-je avec un sourire : toutes les filles
des

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