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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Filles-Dieu ne sont pas qu’à Dieu…
    Quittant
L’Étoile, j’allai prendre Tronson en son atelier et laissant ma monture à M. de
La Surie pour qu’il la ramenât chez moi, en même temps que la sienne, j’allai à
pied avec lui jusqu’au logis de M. de Brissac.
    — L’huis
du gouverneur, me dit-il, en me posant son énorme main sur le bras, est celui
que vous voyez à trois toises de là peint en vert foncé avec un heurtoir en
bronze doré, en forme de marmouset. Pardonnez-moi, compère, vous y toquerez
seul. Je n’entends pas vous accompagner, ne désirant pas être vu plus outre en
cette affaire. Comme disait mon défunt père : « Mon fils, ne mets
jamais ton doigt dans un pot, si tu ne sais pas ce qui s’y mijote. » Tirez
par là, compère, dans cette encoignure. Mon gros corps vous faisant écran, vos
écus pourront glisser plus commodément de votre escarcelle à la mienne. Ne
parlez point, dit-il en baissant la voix, des quinze plus un à qui vous
savez. Je ne suis point passé par eux. Depuis que le sol glisse sous leurs
bottes, ces guillaumes soupçonnent jusqu’à l’air qu’ils respirent, et
s’étranglent à la seule vue d’une corde. Mais je connais un des secrétaires du
marmouset que voilà, étant en bargouin avec lui.
    — Tiens
donc ! dis-je à mi-voix, avec lui aussi ? Compère, vous serez un jour
le marchand le plus étoffé de Paris.
    — Vramy,
je n’en prends guère le chemin, dit Tronson en hochant ses puissantes épaules
et contrefeignant un air triste et marmiteux. La paix nous pend au nez,
compère, et avec la paix, le cercueil perd les trois quarts de sa pratique.
Adieu, ne toquez que je ne sois départi.
    Sachant que M.
de Brissac avait été nourri aux mamelles des jésuites, je ne m’attendais
assurément pas à ce que le marmouset de son heurtoir affectât les formes de
Vénus. Je ne fus donc pas déçu de sentir sous mes doigts le buste d’une sainte
au chef auréolé. Je dis le buste, l’artiste ayant jugé le reste fort peu utile
à une femme aussi chaste, laquelle, à la regarder de plus près, me parut à ses
voiles devoir être sainte Geneviève, sous la protection de qui le gouverneur de
Paris s’était bien naturellement placé. Pour moi qui, en tant qu’huguenot mal
repeint, comme disait Fogacer, envisage toujours avec malaise les idoles
papistes, je me demandais comment les visiteurs ligueux de Brissac pouvaient
avoir le cœur assez sacrilégieux pour empoigner la pauvre sainte et heurter
impiteusement son dos contre le dur chêne de l’huis. Ce que je fis, néanmoins.
    J’ai déjà
décrit en ces Mémoires M. de Brissac dans son être physique, mais comme il se
peut que ma belle lectrice ne se ramentoive pas le portrait que j’en fis, je
veux rappeler céans qu’il eût été fort bel homme, pour peu qu’il eût pu
présenter toujours son profil droit à l’œil de son visiteur, ayant belle mâchoire,
beau nez, front harmonieux, celui-ci surmonté d’une épaisse et ondulante
chevelure où le poivre le disputait encore au sel, sauf sur les tempes, lequel
sel n’était d’ailleurs ni jaune ni gris, mais d’une belle couleur argentée.
Pour son malheur, de face, les choses se gâtaient prou, car son œil senestre
tombait quelque peu sur la joue, cette chute entraînant une divergence des
prunelles qui, à l’envisager, vous donnait quelque mésaise, laquelle
augmentait, dès qu’il parlait, pour ce que sa lèvre supérieure se relevait du
même côté gauche en se tordant quelque peu sur soi. Moue qui, ajoutée à son
habitude de rejeter sa tête en arrière, et à sa voix nasale et traînante, lui
donnait un air dédaigneux qui jurait avec sa courtoisie, laquelle était exacte,
pointilleuse et même par instants, excessive.
    — Ha !
maître drapier ! dit-il en venant à moi les deux mains tendues et un air
quelque peu sottard épandu sur ses traits, que je suis aise de vous connaître
et de vous recevoir céans ! Prenez place, je vous prie ! Je n’ignore
pas en quelle estime vous tient ma bonne amie, la duchesse de Nemours, et je
serais ravi de vous pouvoir aider, si faire se peut, de toute l’étendue de mon
pouvoir.
    Je répondis à
ces politesses par des compliments dont la prodigalité convenait à l’humilité
de mon état, bien convaincu en mon for que M me de Nemours, qui était
fort discrète, ne lui avait jamais parlé de moi ; et qu’il savait en outre
que je ne pourrais m’en assurer auprès d’elle,

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