Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
puisque le fait que je n’étais
pas passé par elle pour me faire recevoir de lui prouvait que je la voulais
garder dans l’ignorance de notre entretien. Si donc il avait fait allusion à
mes relations avec M me de Nemours, c’était sans doute pour me faire
entendre qu’il n’ignorait pas que je l’avais envitaillée pendant le siège de la
part du roi et qu’il ne pouvait guère douter, par conséquent, que ce fût un
message de Sa Majesté que je lui venais porter.
    — Monsieur
le Comte, dis-je, avant que de revenir en Paris, j’ai rencontré hier en
Saint-Denis de certaines personnes très affectionnées à vous qui s’inquiètent
de votre avenir, craignant que votre bien ne soit menacé, au cas où vous ne
prendriez pas le chemin de votre intérêt.
    — Monsieur,
dit Brissac en ouvrant tout grands ses yeux louches, desquels il avait en un
battement de cil banni toute expression, ce propos que vous avez l’obligeance
de me répéter est véritablement du grec pour moi. Et je vous saurais le plus
grand gré de le préciser.
    — Mon
propos, Monsieur le Comte, ne s’éclaire que par une lettre de M. de Saint-Luc
que je suis chargé de vous remettre.
    — Chargé
par qui ? Par lui ? dit Brissac qui, le temps d’un éclair, n’eut plus
l’air ni si sot ni si endormi.
    — Nenni,
Monsieur le Comte, mais par une personne haut placée dans l’État que je ne puis
nommer, mais qui porte le plus grand intérêt à ses affaires particulières comme
aux vôtres.
    — Si vous
ne la pouvez nommer, je ne la saurais connaître, dit Brissac, en m’envisageant
d’un air naïf, bonasse et peu entendu. Et ne la connaissant pas, je ne peux
être que touché de son intérêt. Je dois avouer, Monsieur, dit-il avec un
soupir, et en laissant errer dans la pièce un regard inane, que vos propos
dépassent mon esprit. Peux-je vous prier, dit-il du même air simplet et
débonnaire, de me remettre la lettre de M. de Saint-Luc ?
    — La
voici, Monsieur le Comte, dis-je en la tirant de mon pourpoint.
    Et M. de
Brissac, rompant le cachet et dépliant la missive, se mit à lire. Ce qui
engagea si profondément son attention qu’il en oublia d’ordonner ses traits
comme il faisait si bien lorsqu’il parlait. Tant est qu’au lieu de porter cet
air de gros chien pataud et balourd dont il accompagnait ses propos, son
expression s’apparenta tout soudain à celle du plus rusé renard.
    — Monsieur,
dit-il en mettant la lettre en poche et en m’envisageant de ses beaux yeux
louches, vides à nouveau de toute étincelle de vie, je dois confesser que je
n’entends goutte à cette missive. Mon bien-aimé beau-frère M. de Saint-Luc me
parle d’un héritage et me prie que pour cette raison je l’aille voir en
Saint-Denis. Mais comment y pourrais-je entrer, la guerre ayant repris entre
Navarre et la Sainte Ligue ?
    Lequel mot il
prononça avec onction.
    — Mais,
dis-je, ladite guerre est sans activité aucune autour de la capitale, et j’ai
ici un passeport à votre nom signé du roi de Navarre qui assurerait votre
sauvegarde, dès que vous aurez quitté nos murs. Ce disant, je tirai ledit
passeport de mon pourpoint et le lui tendis, lequel il lut très attentivement,
mais au lieu de l’empocher, comme il avait fait pour la lettre, il le tint
entre le pouce et l’index de sa main dextre, ladite main reposant sur son
genou.
    — Je dois
dire, dit-il au bout d’un moment, que je suis tout à plein abasourdi par ces
incompréhensibles nouvelles. Le roi de Navarre m’envoie un passeport ! Et
M. de Saint-Luc me mande de le venir voir en Saint-Denis pour débattre d’un
héritage où il y va de mon plus puissant intérêt. Benoîte Vierge ! J’en
suis tout confondu ! De quel héritage peut-il bien s’agir ?
    Il me parut là
pousser très loin la feintise et la stupidité, même s’il tâchait, par cette
comédie, de m’inciter à me découvrir davantage. Ce que je fis en prenant soin
toutefois d’user du langage enveloppé qui était le sien.
    — Monsieur
le Comte, dis-je, je ne saurais le dire au juste, n’ayant pas lu la lettre de
M. de Saint-Luc et ne connaissant pas vos affaires particulières. Toutefois, il
me semble qu’il y a héritage. Il se peut que nous héritions des biens de ce
monde selon les lois du sang. Il se peut, parlant d’une façon plus générale,
que nous tenions nos biens de nos actes et de nos bonnes qualités. À cet égard,
il me semble que vos talents militaires qui

Weitere Kostenlose Bücher