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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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nos provinces un autre monde, une autre vie.
    Réchignevoisin me dit que Madame de Guise m’attendait dans
sa chambre. J’y courus et comme je levai la main pour gratter à l’huis, il
s’ouvrit et elle apparut, le doigt sur la lèvre.
    — Chut ! dit-elle à voix basse et franchissant le
seuil elle referma doucement la porte derrière elle. Ce grand dadais de
Joinville dort sur mon lit, la face toute chaffourrée de ses larmes.
Laissons-le à ses cauchemars : il les a bien mérités. Je lui ai dit cent
fois de laisser ces gros tétins-là tranquilles ! Et qu’avait-il affaire à
écrire une promesse de mariage à cette blondasse Moret ? Le voilà dans le
désert de Saint-Dizier pour une année au moins. Et croyez-vous que cela lui va
servir de leçon ? Vramy, mes fils m’assassinent ! L’archevêque est un
vrai papillon, le Chevalier, une petite brute et, quant au Duc, il rêve d’un
grand destin, lui qui n’a ni argent, ni amis, ni troupes, ni le talent pour les
commander. Ah ! mon filleul ! Je ne suis satisfaite que de
vous !…
    Elle ne m’en tança pas moins pour avoir donné les cent écus
du prix à la Sobole, comme j’ai dit déjà, et poursuivit avec sa coutumière
vigueur sur le chapitre de la vertu.
    — Gardez-vous bien, mon filleul, de toucher à ma fille
d’honneur ! Je ne le souffrirais pas ! Tout béjaune que vous êtes,
elle ne va pas tarder à s’embéguiner de vous, d’autant que vous avez avec les
filles les manières taquinantes de votre père. D’autant aussi qu’il suffit d’un
battement de briquet pour mettre le feu à cette toison rousse. C’est la
fournaise ardente : une étincelle et tout crépite. Oyez-moi bien ! Je
ne veux point cela ! Ses parents me l’ont confiée : je suis gardienne
de sa vertu. M’irez-vous fabriquer chez moi un petit bâtard ? Je vous en
haïrais !
    Repensant à ce discours quelques mois plus tard, je m’avisai
que le gardiennage de ma bonne marraine n’était pas aussi vigilant qu’il aurait
pu l’être. Sans cela, m’eût-elle, pour divertir ses insomnies, envoyé chercher
par la Sobole en ses robes de nuit ? C’était agir bien à l’étourdie et
placer l’étoupe un peu près du silex. D’autant que le moment et le lieu se
trouvaient fort propices, puisque Noémie était censée me raccompagner –
Madame de Guise succombant enfin au sommeil – jusqu’au cabinet vieil. Tout
paraissait machiné là pour nous induire en tentation : une douillette
petite pièce, la lumière d’un seul chandelier, le silence amical de la nuit, le
négligé de nos vêtures. Noémie, assurément, eût pu me quitter sur le seuil,
mais elle se piquait de courtoisie : elle entrait avec moi et sa
distraction l’amenait à clore l’huis derrière nous et, sans y prendre garde, à
pousser le verrou. Après quoi, faisant mine de me fuir à l’intérieur de la
prison qu’elle nous avait si bien ménagée, elle commençait à se défendre de mes
entreprises avant qu’elles eussent commencé.
    — Non ! non ! disait-elle, mais sans que sa
voix s’élevât au-dessus du murmure : de grâce, cette fois. Monsieur, point
de baisers ! Point de vos maléfiques enchériments ! Je ne les
souffrirai pas ! Osez-vous bien traiter ainsi une fille de bon lieu !
Me prenez-vous pour votre chambrière ? Vous êtes un vilain,
Monsieur ! un ribaud ! un diable de l’enfer ! Je vous défends
bien de me toucher !
    Comment aurais-je pu faillir à déchiffrer ce transparent
message ! Eussé-je été sourd que ses yeux brillants, ses lèvres décloses,
son souffle pressé, sa poitrine haletante me l’auraient rendu clair. Je la
prenais dans mes bras, je dénouais ses longs cheveux, je commençais à la
dévêtir du peu qu’elle avait sur elle. Ses protestations chuchotées gagnaient
en énergie ce que ses défenses perdaient en force. Étendu à son côté, il me
suffisait alors de tenir d’une main les deux siennes sans y mettre la moindre
force : sa résistance n’était plus que verbale, et le verbe lui-même se
muait peu à peu en soupirs. Après cela, l’unique point de résistance venait
encore de moi : je ne risquai rien d’irréparable. Je m’en tenais à ce
qu’elle appelait mes « maléfiques enchériments » : mot désuet
par où je supposais qu’elle désignait nos caresses.
    Elles ne nous satisfaisaient ni l’un ni l’autre. Noémie eût
désiré tout donner, mais ne le voulait pas. Je ne la prenais point :

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