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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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j’en
étais mécontent. Et l’aurais-je fait, je m’en fusse voulu.
    Au moment de me quitter, la pauvre Sobole, recourant à une
étrange alchimie, transmuait ses remords en reproches.
    — Eh bien ! disait-elle, sans du tout s’apercevoir
de l’ironie de ses paroles, vous voilà bien content ! Vous m’avez pliée
toute à vos volontés ! Pensez-vous qu’il y allait de votre gloire d’user
ainsi de votre force ? Vous devriez avoir honte de m’avoir contrainte à
commettre avec vous ces horribles péchés !
    Mais même son courroux avait je ne sais quoi de tendre.
Parvenue à la porte, la main sur le loquet, elle me jetait un dernier regard
puis, revenant tout soudain à moi, elle s’agenouillait au pied de mon lit et,
sans un mot, me piquait sur le visage de petits baisers, mais ceux-ci rapides
et furtifs comme si elle avait craint qu’ils fussent aperçus par son ange
gardien.
    Pour moi, j’étais en pleine confusion. Ma raison
m’approuvait d’avoir su me brider ; mon corps me tabustait. L’absurdité
que je discernais dans les discours de Noémie ne laissait pas de m’amuser, mais
c’était un amusement triste, traversé de trop de compassion pour elle et pour
sa condition pour que je me sentisse bien à l’aise.
    Pour en revenir au bal et aux admonestations de Madame de
Guise touchant sa fille d’honneur, la harangue me laissa muet. J’étais alors à
mille lieues de là, tant est que ma bonne marraine, étonnée à la fin de mon
mutisme, voulut bien s’aviser que j’étais las.
    — Mais qu’avez-vous, mon Pierre ? Êtes-vous
dolent ?
    — Non point, Madame, j’ai seulement dépassé de
longtemps l’heure de me coucher.
    — Oh ! oh ! dit-elle en riant, ce n’est pas
grave ! Pour peu qu’on veuille bien y céder, le sommeil n’est pas une
maladie. C’est même tout le contraire. Venez, je vais vous accommoder.
    Et elle me conduisit, me prenant la main comme si j’avais
été un enfantelet, dans le cabinet vieil où elle m’installa derrière le
paravent, sur ce lit de repos que j’eus tant de fois plus tard l’occasion
d’épouser, seul ou avec Noémie.
    — Mais, dis-je, je vais manquer la fin du bal !
    — Rassurez-vous, dit-elle, il va durer jusqu’à l’aube
et d’ici une heure, je vous viendrai réveiller. Comptez-y et dormez tout votre
saoul. Mon Dieu, ajouta-t-elle en se penchant sur moi, et en me caressant la
joue du dos de la main, vous êtes encore un enfant ! Vous voilà tout
endormi !
    Je trouvais merveilleux de laisser mes yeux se fermer sur un
regard où se lisait tant d’amour, mais je n’eus que peu de temps pour m’en
réjouir. Je n’ouïs même pas la porte se refermer sur Madame de Guise. Le
sommeil me saisit si vite que je ne sentis même pas l’agréable glissement qui
le précède.
    Mon réveil ne fut pas si rapide et il me fallut un moment
avant de comprendre où j’étais, et qu’il y avait dans le cabinet vieil d’autres
personnes que moi, lesquelles conversaient entre elles sans se douter que
quelqu’un était couché sur le lit de repos derrière le paravent. Je ne m’en
émus guère de prime, pour ce que le bruit des paroles me parvenait sans que
j’en comprisse le sens. Mais quand le sens se précisa peu à peu dans ma
cervelle encore à demi brumeuse, et que je compris non seulement ce qui se
disait là, mais qui le disait, je fus proprement épouvanté. Mon premier
mouvement fut de révéler ma présence. Mais à la réflexion je décidai de n’en
rien faire, tant il me parut difficile de faire admettre à ces personnes que
j’avais surpris sans le vouloir leur entretien et surtout que je n’en avais
rien entendu, alors même que l’énormité de leurs propos me remplissait de
stupeur. Non qu’il y fût question d’un secret d’État. Mais en un sens, c’était
bien pis.
    Ils étaient trois, deux hommes et une femme et cette femme
était la Reine. Je la reconnus aussitôt à son accent italien et à son timbre
rechigné. Un des deux hommes était Monsieur de Sully. Il était venu si souvent
visiter mon père en notre logis du Champ Fleuri que sa voix râpeuse et pompeuse
sonnait familièrement à mon oreille. J’eus plus de difficulté à identifier le
troisième personnage, car je ne l’avais jamais entendu parler. Mais le fait
qu’il était un familier de la Reine et que lui aussi baragouinait le français à
la mode italienne m’amena à penser qu’il s’agissait de Concino Concini. Ce qui
me fut

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