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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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rue du Champ Fleuri, car je ne veux pas chauffer la ville entière, il
donnera cinq bûches gratis.
    — C’est trop, dit La Surie.
    — Comment, c’est trop ?
    — Mon Pierre, dit La Surie, j’ai là un grand avantage
sur vous. J’ai vécu dans l’extrémité de la misère et j’en connais les arcanes.
Le pauvre de votre rue à qui vous allez donner cinq bûches en brûlera deux dans
sa cheminée et vendra les trois autres au prix fort.
    — J’entends bien. Pour manger.
    — Ou pour boire, dit La Surie, et sa femme restera sans
feu. En outre, recevoir l’aumône est humiliant. Faites-lui faire un petit
travail pour ses deux bûches et celles-ci consumées, vous serez certain de le
revoir à votre porte.
    — Monsieur mon père, dis-je, me ferez-vous à moi-même
l’aumône de quelques bûches ?
    — À vous, Monsieur mon fils ! dit mon père en
riant, et à qui les allez-vous donner ?
    — À Mademoiselle de Saint-Hubert. Quand je suis allé la
quérir ce matin pour ma leçon, elle avait les lèvres bleues de froid, alors
qu’elle sortait tout juste de son logis.
    Je vis bien, dans les yeux de La Surie, poindre un petit giòco au sujet de ces lèvres-là, mais il eut le bon goût de se brider.
    — Je lui en ferai porter de quoi lui durer un mois, dit
mon père. Je n’ignore pas qu’elle est fort resserrée depuis la mort de son
père. Dieu veuille que prenne fin enfin cet âpre gel ! Il a déjà tué tant
de monde !
    Ce souhait ne fut pas entendu et la froidure persista sans
discontinuer jusqu’à la fin du mois, nous fournissant aussi quelques bonnes
raisons de nous ébahir.
    Une nuit, côté jardin, nos deux dogues se déchaînèrent si
fort et si longtemps, que Poussevent, bientôt suivi par Pissebœuf, tous deux
emmitouflés comme des boyards et armés, eurent le courage de quitter leur
chaude couche et de gagner le jardin, où la lune s’étant cachée derrière de
gros nuages noirs, c’est à peine s’ils purent distinguer nos deux chiens
appuyés les deux pattes de devant contre le tas de bois rangé contre le mur et
le museau levé, aboyant comme fols. Nos soldats approchèrent à pas de loup et
nos dogues, les sentant, vinrent les flatter et, encouragés par leur renfort,
s’en retournèrent au tas de bois, hurlant et grondant de plus belle. L’un d’eux
fit même une tentative pour bondir au sommet du tas, mais il était trop haut
pour lui, il y faillit et jappa quelque peu en retombant, une bûche lui ayant
blessé la patte.
    Poussevent souffla à l’oreille de Pissebœuf d’aller en
silence quérir une échelle, et quand il l’eut apportée, sans encombre et non
sans mérite, le jardin étant fort sombre, Poussevent la plaça à l’angle du mur
mitoyen et du mur sur rue – cette rue étant la rue du Chantre, comme le
lecteur se ressouvient. Les deux soldats grimpèrent alors sur le sommet du tas
de bois, lequel avait au moins sept pieds de haut, et attendirent que la lune
voulût bien se dégager des nuages noirs qui la couvraient, ce qui était une
bien incertaine gageure car, en levant les yeux, à peine voyaient-ils filtrer
çà et là quelques lueurs entre des masses noires.
    En même temps, ils écoutaient. « Que j’avais l’oreille,
dit Poussevent avec sa verve gasconne, avancée à deux pouces de la tête
tellement je la tendais ! Mais de bruit, pas le moindre sauf un léger
souffle et un petit frôlement. “Un chat !” me souffla Pissebœuf. Pense un
peu ! Un chat ! Comme si les dogues allaient se bouger pour si
peu ! Les chats, quand le temps est beau, ils se trantolent toutes les
nuits sur nos murs mitoyens et c’est à peine si nos dogues ouvrent un
œil. »
    Poussevent résolut d’en avoir le cœur net et cheminant à
croupetons sur les bûches, et malgré les abois des chiens entendant toujours le
souffle et le frôlement avec plus de netteté, mais sans en comprendre
l’origine, il allait poursuivre sa progression quand un objet fort froid vint
lui battre le visage. Il se recula, le cœur lui battant la chamade et un juron
étouffé sur ses lèvres. Il hasarda la main « comme un chat, dit-il, que sa
patte, elle avance à peine qu’elle est déjà sur le recul » et rencontrant
une cordelette qui pendait, il se garda de la tirer, ses doigts se contentant
de la parcourir. En haut, il découvrit un bâton et en bas, tâchant d’encercler
une bûche, un nœud coulant. « Capdediou ! dit Poussevent, un quidam
assis sur un mur par un

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