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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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froid à se geler le chouard qui tâchait de nous pêcher
une bûche ! »
    De la cordelette remonter au bâton, du bâton remonter au
bras, saisir le bras, le tirer à soi à la volée, faire basculer le quidam sur
le tas de bois, l’assommer d’une pitchounette sur la nuque, le ficeler avec sa
propre cordelette et, avec l’aide de Pissebœuf, le descendre par l’échelle, fut
un jeu pour Poussevent et il ne songea même pas à gasconner là-dessus quand,
l’ayant juché sur son épaule, il nous apporta le prisonnier dans la salle du
logis où tous, maîtres et valets et chambrières, étaient descendus la chandelle
à la main, alertés par les abois des chiens et les cris de nos soldats après la
prise qu’ils avaient faite.
    Mon père commanda à Guillemette de jeter un fagot sur les
braises de la cheminée et à Mariette de préparer pour tous un vin chaud, et
demanda à Poussevent de dépaqueter le prisonnier, lequel avait la tête couverte
par un capuchon et nous fit l’effet, à le voir étendu à nos pieds, d’être un petit
galapian. Il ne bougeait ni ne pipait, soit qu’il fût terrorisé par l’avenir
qui l’attendait, soit que la pitchounette de Poussevent l’eût à moitié assommé.
Poussevent ne se pressa pas de le déficeler, ayant à cœur de nous faire de sa
prise un récit épique dont j’ai donné un aperçu. Mais, les liens ôtés, il
fallut bien, quoi qu’il en eût, venir à bout du conte.
    — Décapuchonne-le, dit mon père, qu’on lui voie sa
face, à ce petit pécheur de bûches.
    Le capuchon tenait à un méchant manteau usé jusqu’à la corde
et, par endroits, rapiécé. Et quand Poussevent avança la main pour l’en
défaire, le galapian fit soudain un geste vif pour se dérober mais Pissebœuf
l’agrippant aussitôt, Poussevent lui découvrit rudement le visage.
    On vit alors sa longue chevelure débouler sur sa nuque.
Comme j’écris ceci, je revis cet instant dans ma remembrance avec sa couleur,
son relief, les couleurs des grandes flammes dans l’âtre, le cercle de nos gens
et le vin chaud que Mariette nous versait.
    Ce fut, à coup sûr, l’affaire d’une seconde, mais ils
tombèrent le long de son dos en si gracieuses volutes, en des plis si lourds,
si drus et si dorés, que leur déroulement me parut durer un temps infini. Mais
il se peut que cette impression soit née en moi du fait qu’ayant tant aimé ce
moment, je l’ai souvent depuis puisé dans ma mémoire pour me le répéter.
    Personne ne pipa d’abord, nos yeux étant fixés, incrédules,
sur cette toison d’or et sentant bien que cette seule vue changeait beaucoup
les choses. Le seul à ouvrir le bec fut le moins causant de tous. Et bien que
sa remarque bravât l’honnêteté, il l’articula sans y voir malice et pour obéir
à son coutumier souci d’exactitude.
    — Eh bé ! dit Pissebœuf, quoi que ce fût qu’elle
s’est gelée à califourchon sur le mur, ce n’était pas le chouard, la chose est
sûre.
    Aucun sourire n’honora cette réflexion, et Poussevent, qui
disait souvent pire, la trouva si disconvenable qu’il donna du coude dans
l’estomac de son camarade.
    — Garce, comment es-tu montée sur ce mur ? dit mon
père, en se donnant quelque peine pour faire le juge et le sévère.
    La caillette fut un temps avant de répondre, tremblant de
tous ses membres, mais, à mon sentiment, beaucoup plus de froid que de peur.
    — Par une méchante chanlatte que nous avions chez nous,
dit-elle, parlant d’une voix faible, mais en s’exprimant fort poliment, toute
gueuse qu’elle fût.
    — Vous autres, dit mon père aux soldats, votre vin bu,
il va falloir aller quérir cette chanlatte. Garce, où loges-tu ?
    — Rue du Coq, pour vous servir.
    — N’as-tu point d’autre métier que la volerie ?
    — Voleuse point n’étais jusqu’à ce jour !
dit-elle.
    Et elle reprit, comme si elle énonçait un titre de
noblesse :
    — Je suis couseuse de soie. Mais ma mère étant saisie
de fièvre tierce avec le début du grand gel, je suis demeurée au logis pour la
soigner et mon maître m’a désoccupée.
    — Est-ce ta mère qui t’a poussée à me venir
voler ?
    — Que nenni. La pauvrette est morte hier. Et me voyant
seule, sans feu, sans pain et non plus sans un sol vaillant pour quérir notre
curé d’ouvrir le sol pour enterrer ma mère, j’ai pensé à vous larronner d’une
bûche afin d’avoir un peu moins froid avant que la mort ne m’emporte.
    — Ne

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