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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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les admirent bouche bée pour les défauts qu’ils trahissent. Et
depuis qu’il est en France, il n’a eu qu’une ambition : remplacer ses
solides vertus allemandes par les brillants défauts français, surtout en ce qui
concerne les femmes.
    — J’aurais gagé, dis-je, qu’il était de vos amis.
    — Il l’aurait été, s’il n’avait voulu dépasser le seuil
de l’amitié. Mais qui pourrait accepter une amour prostituée chaque jour à la
moitié du genre humain ?
    Comme je me taisais, elle leva les paupières, me jeta un
regard vif et dit :
    — Avez-vous rencontré ses nièces ?
    Une question aussi directe chez une dame, dont la réserve et
la politesse étaient si raffinées, me laissa d’abord béant et je fus un moment
avant de répondre :
    — Oui, dis-je à la fin, sur sa gabarre. Nous sommes
allés de concert à Saint-Germain-en-Laye, sur la rivière de Seine.
    Elle se tut et je fus pris d’une frayeur mortelle à la
pensée que Bassompierre lui avait peut-être parlé de Toinon. La question qui
suivit, et que je redoutais avant même qu’elle ne vînt, ne me permit pas d’en
décider autant que je l’eusse voulu, car si elle était en elle-même assez
indiscrète, son indiscrétion ne paraissait pas, à vue de nez, me viser.
    — Comment expliquer, dit-elle, qu’un gentilhomme de bon
lieu, fin et sensible comme Bassompierre, puisse se plaire à des amours aussi
communes ?
    Traître que je fus alors à Toinon, menteur et qui pis est, chattemite,
je haussai les sourcils et fis une petite moue – mimique qui, sans que
j’ouvrisse la bouche, me permit de donner à Madame de Lichtenberg la réponse
qu’elle désirait ouïr. Je dis « menteur » car, bien loin de me peu
ragoûter, ce que je voyais en Toinon de populaire avait été, au moins au début,
l’élément le plus rassurant de nos rapports. Mais comment eussé-je pu expliquer
cela à une dame si haute et qui montrait en toute chose une tournure d’esprit
si sérieuse ?
    Ayant fini d’arrondir comme elle l’entendait les ongles de
sa main gauche. Madame de Lichtenberg passa la lime dans cette même main, pour
parfaire les ongles de sa main droite. Mais elle parut peu satisfaite de ce
changement.
    — On dit mieux qu’on ne croit, fit-elle avec un petit
rire, quand on décrit une maladresse sous le nom de gaucherie. Les choses
allaient si bien quand ma dextre travaillait. Mais mon autre main est si peu
adroite qu’elle lime on ne peut plus mal. Quelle pitié que ma chambrière
favorite soit couchée et mal allante ! Je l’eusse appelée à la rescousse.
    — Madame, dis-je, sans même me donner le temps de la
réflexion (mais la gaîté soudaine qui avait tinté dans le petit rire qui
accompagnait sa remarque m’avait inspiré quelque audace), je serais ravi, si
vous vouliez bien me permettre de la remplacer.
    — Eh quoi ! dit-elle. Sauriez-vous le faire ?
    — Je le pense.
    — Sans me blesser ?
    — Je peux vous l’assurer.
    — Eh bien, essayons ! dit-elle avec un nouveau
petit rire, comme s’il s’agissait, de ma part, d’un enfantillage.
    Me levant alors, je saisis mon tabouret et m’installai sur
sa droite et m’assis. Elle me livra la lime et la main malhabile qui l’avait
tenue. Ses doigts étaient doux et tièdes sous les miens et encore que je
ressentisse un profond plaisir à les avoir en ma possession, je ne voulus pas
trop m’attarder à cette émotion, ayant à cœur de m’acquitter d’une tâche à
laquelle de ma vie, je n’avais mis la main, Toinon prenant soin au logis de mes
ongles, en les coupant avec une paire de petits ciseaux.
    J’y allai d’abord très à la douceur, craignant de lui faire
mal et, m’appliquant beaucoup, je me sentais rougir de l’effort que je faisais.
Madame de Lichtenberg se taisait et comme je me trouvais assis plus bas
qu’elle, ma tête à la hauteur de sa hanche, je n’eus su dire si elle regardait
mon visage ou la main qu’elle m’abandonnait. Cependant, je faisais dans mon
emploi des progrès rapides, la tension où j’étais diminua et je me rendis
compte du silence que nous gardions l’un et l’autre, et que rien ne justifiait,
sinon, de ma part, le plaisir si vif – et apparemment si disproportionné à
sa cause – de manier comme je l’entendais sa main, d’en être le maître, et
de m’émerveiller qu’elle fût si différente de la mienne par sa blancheur et la
finesse de sa texture.
    Bien que ses doigts fussent tout

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