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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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heures et demie et
sept heures et demie, le bon docteur voulait être présent à son lever pour
mirer ses urines, examiner ses matières, inspecter sa langue, prendre son pouls
et observer si son visage était gai ou chagrin, toutes choses qu’il notait dans
son journal avec une scrupuleuse précision.
    Comme je lui avais dit que le Roi avait requis ma présence à
son chevet à huit heures, il me fit moi-même réveiller à sept heures, et à sept
heures et demie, après une toilette que je trouvai bien sommaire, on m’apporta
un grand bol de bouillon, trois tranches de pain, et du beurre salé frais. J’en
fis un grand festin, m’ayant dû la veille passer de souper, le Roi m’ayant si
tardivement donné mon congé.
    Comme j’achevais, j’eus la surprise de voir surgir devant
moi mon père, non qu’il fût en peine de savoir où j’étais – Bassompierre
ayant eu la gentillesse de le lui mander par un petit vas-y dire – mais
s’inquiétant toutefois de mon bien-être, sachant ce qu’il en était au Louvre en
ce domaine. Il fut fort rassuré de me voir gloutir mes viandes [51] à dents aiguës, me donna une forte
brassée, s’assit, et je lui contai entre deux bouchées tout ce que j’avais ouï.
    — Ouvrir ses yeux et ses oreilles, dit-il quand j’eus
fini, est le début de la sagesse.
    — Mais non, dis-je, de l’entendement. Comment
comprendre, s’agissant de l’édit breton, que la Chambre des comptes de Nantes
ait eu le front de rester sourde à trois ordres de jussion et refusé
d’enregistrer l’édit ?
    À cette question mon père rit à gueule bec.
    — C’est là une petite chatonie de notre rusé
Béarnais ! Sachant que la Reine est follement dépensière et emprunte à
usure pour acheter des diamants, il lui a donné les bénéfices de l’édit breton.
Mais lui reprenant d’une main ce qu’il lui donnait de l’autre, il s’est entendu
en sous-main avec la Chambre de Nantes pour qu’elle n’obéît à un ordre de jussion
que s’il était écrit et signé de sa main. Et cette lettre manuscrite, il va
sans dire qu’il ne l’enverra jamais…
    Le docteur Héroard entra à ce moment, embrassa mon père, et
me dit que le Dauphin, se ressouvenant que j’avais passé la nuit dans sa chambre,
me voulait voir. Je courus à ses appartements, où je le vis tout vêtu, rose et
frais, et me souriant fort gracieusement en me tendant sa menotte à baiser. Il
désirait savoir en quoi le Roi avait affaire à moi.
    — Monsieur, dis-je, je lis tout haut à Sa Majesté.
    — Qu’est cela ? dit-il, feignant la surprise. Le
Roi mon père ne sait pas lire ? Moi, à sept ans, je sais !
    — Si fait ! dit Monsieur de Souvré, Sa Majesté
sait lire, mais étant couchée et mal allante, elle trouve plus commode qu’on
lui lise au lieu de lire elle-même.
    — À moi aussi cela serait commode ! dit Louis avec
un soupir. Siorac, enchaîna-t-il, êtes-vous amoureux ?
    Je consultai du regard Monsieur de Souvré qui me fit une
petite mimique pour me faire entendre que je devrais répondre
« non ».
    — Non, Monsieur, dis-je.
    — Moi, je suis amoureux, dit Louis. Ma maîtresse est
Mademoiselle de Fonlebon, une des filles de la Reine. Hier, je l’ai baisée
quatre fois, deux fois sur chaque joue.
    — Monsieur, dit Monsieur de Souvré, quand on est
amoureux, il ne faut pas dire de qui.
    — Pourquoi ?
    — Pour ne pas compromettre sa maîtresse.
    — Monsieur, pardonnez-moi, dit le docteur Héroard au
Dauphin, ne retenez point Monsieur le Chevalier : le Roi l’attend.
    Louis me donna alors mon congé. Bien qu’assurément le bon air
et les jardins de Saint-Germain-en-Laye dussent lui manquer beaucoup, il me
paraissait beaucoup plus calme et plus heureux depuis qu’il vivait au Louvre
aux côtés de son père.
    Le petit page La Barge m’accompagna chez le Roi et en
chemin, comme je le trouvai coi, et l’air chagrin, je lui en demandai la
raison.
    — Monsieur le Chevalier, ma conscience me poigne :
j’ai trahi un de mes serments. Hier soir, j’ai lutiné une chambrière.
    — Cela fut-il plaisant ?
    — Non, Monsieur le Chevalier. Elle m’a souffleté pour
mes peines et a menacé de me dénoncer à Monsieur de Souvré.
    — Le fera-t-elle ?
    — Je ne crois pas. Cela n’est pas allé très avant. Mais
je tiens à déshonneur d’avoir été souffleté.
    — La Barge, dis-je gravement, l’honneur n’est pas
atteint, quand c’est une femme qui vous

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