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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Compagnie de Jésus une
donation de cent mille écus pour élever une chapelle jouxtant le collège de La
Flèche, où les jésuites formaient l’esprit des futurs officiers du Roi. Les
pécunes étaient versées petit à petit et passaient par le père Cotton qui les
remettait scrupuleusement au général de sa Compagnie.
    Ayant baisé la main de Sa Majesté, le père Cotton salua de
la tête, l’un après l’autre, sans en omettre un seul, tous les témoins de cette
rencontre et se faufila dehors de son petit pas glissant, la tête baissée et
les épaules rentrées, comme si son humilité ne lui permettait pas d’occuper un
aussi gros morceau d’espace que les chrétiens insouciants qui l’entouraient.
    Aussi pompeux et paonnants que le père Cotton avait été
modeste, les deux médecins du Roi pénétrèrent dans la chambre comme il en
sortait, l’un grand, gros et gras et l’autre long et maigre. Ils firent autant
de révérences qu’il y avait de pas de la porte à son lit et, s’agenouillant,
baisèrent, l’un après l’autre, la main du Roi.
    — Sire, dit le grasselu, qui s’appelait Milon, nous
avons l’honneur d’apporter à Votre Majesté le papaver somniferum album.
    —  Qu’est cela ? dit le Roi.
    — Le pavot. Sire.
    — Et qu’est-ce donc que ce pavot ?
    — La plante, Sire, dont on tire l’opium.
    — Et où est cette plante que vous m’apportez ? dit
le Roi. Ventre Saint-Gris, suis-je une vache pour qu’on me fasse mâcher des
herbes ?
    — On en tire un suc. Sire, et de ce suc on tire une
poudre.
    — Et où pousse cette plante ?
    — En Turquie, Sire, près d’Izmir, dit le maigrelet,
lequel trouvait peut-être que son confrère se poussait un peu trop sur le
devant de la scène.
    — Or sus ! dit le Roi, voyons cette poudre !
    — Révérend docteur médecin, dit le grasselu à son
étique confrère, voulez-vous, de grâce, me la donner, afin que je la remette à
Sa Majesté ?

— Révérend docteur médecin, dit le maigrelet, avec
votre permission, je la remettrai moi-même à Sa Majesté.
    Et fouillant dans sa robe, il en tira un drageoir qu’il
tendit au Roi.
    — Mais ce n’est pas une poudre, dit Henri en ouvrant le
drageoir, c’est une pilule.
    — Sire, dit le grasselu, la poudre se trouve dans la
pilule.
    — Mais il n’y en a qu’une.
    — C’est la dose, Sire, qu’il ne faut pas dépasser.
    — En outre, dit le maigrelet, c’est là une médecine
excessivement coûteuse.
    — Messieurs, dit le Roi d’un air goguenard, allez-vous
ruiner le royaume pour me faire dormir l’espace d’une nuit ?
    — Sire, dit le maigrelet, nous avons acheté la poudre à
un médecin juif qui la fait venir d’Izmir par bateau – transport cher et
périlleux vu que les pirates barbaresques infestent la mer méditerrane.
    — Révérend docteur médecin, dit le Roi, ne me dorez pas
la pilule. Dites-moi votre prix sans tant languir.
    — Cinquante écus. Sire, dit le maigrelet.
    — Voilà un prix bien pansu ! dit le Roi.
    — Plus exactement, dit le grasselu, vingt-cinq écus à
mon confrère et vingt-cinq à moi. J’ai acheté la poudre et il a composé la
pilule.
    — Roquelaure, dit le Roi, verse cinquante écus à ces
Messieurs.
    — Mais Sire, dit Roquelaure qui savait que le Roi ne
lui remboursait jamais ces petits emprunts, vous versez déjà pension à vos
médecins…
    — Mais les médecines ne sont pas comprises, dirent les
médecins à l’unisson, et non sans véhémence.
    — Monsieur le grand maître de la garde-robe, dit Henri
en gaussant, ferai-je appel en vain à votre escarcelle ?
    Roquelaure sentit la pointe sous la gausserie et s’inclina,
mais en se défendant encore pied à pied.
    — Hélas ! Sire, dit-il, je n’ai sur moi que trente
écus.
    — Alors emprunte vingt écus à Bellegarde. Il les a. Il
m’a gagné hier cinq cents livres aux trois dés.
    Bellegarde rit, étant aussi donnant que Roquelaure et le Roi
l’étaient peu.
    — Les voici, Roquelaure, dit-il aussitôt.
    Dès que les médecins eurent empoché leur dû, le Roi
demanda :
    — Faut-il avaler la pilule ou la sucer ?
    — L’avaler, Sire, dit le plus gros.
    — Et elle me fera dormir ?
    — Assurément, Sire, nous vous en donnons l’assurance.
    — Pourquoi ?
    À cette question inattendue, les deux médecins se
regardèrent et le grasselu, prenant la parole derechef, dit d’un ton
docte :
    — L’opium, Sire, fait dormir,

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