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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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paraissaient l’incommoder. Quant à moi, j’étais bouleversé :
« Sire ! Sire ! » dis-je dans un souffle. Le Roi me jeta un
regard furieux, mais posa Louis à terre assez doucement puis, pivotant,
s’éloigna, les mains serrées et crispées derrière le dos. La Reine alors rendit
à Louis son tambour et ses baguettes, à mon sens moins par pitié que pour le
faire taire. Mais cela n’y fit rien. Louis criait toujours. Il ne pouvait pas
s’arrêter.
    À la fin et comme le Roi ne donnait aucun ordre. Madame de
Montglat le souleva de terre et l’emporta. Louis se tuait presque à hurler,
ayant atteint un seuil de colère et de peur dont il ne pouvait plus revenir. On
me dit que quelques minutes plus tard, troussé et fouetté en sa chambre par
Madame de Montglat, il criait : « Je tuerai Mamanga ! Je tuerai tout
le monde ! Je tuerai Dieu ! »
    — Cependant, remarquai-je, il n’a pas dit :
« Je tuerai Papa ! »
    — Le pauvret l’a dit sans le dire, Henri étant son
Dieu.
    — Et le Roi ?
    — Le Roi, comme j’ai dit, était blême, sa pâleur –
une pâleur mortelle et effrayante à voir – étant l’effet ordinaire de ses
émotions, et Dieu sait si elles étaient vives chez lui !
« Madame », dit-il d’une voix lasse, en faisant à la Reine un salut
des plus secs, « je suis votre serviteur. Ma chasse m’attend ». Et il
se dirigea vers la porte à grands pas, mais me voyant près de celle-ci, le dos
collé à la tapisserie, tant j’étais soucieux de m’effacer, il me jeta un regard
si malheureux que mon cœur se serra.
    Je revis le Roi dans la soirée, mais sans lui parler ni
l’approcher. Il paraissait triste et taciturne. Et Vitry me dit qu’il n’avait
ouvert le bec de toute sa chasse que pour dire « qu’on le regretterait
après sa mort ! ». Propos qu’il tenait en ses humeurs noires. J’en
conclus qu’il regrettait sa rudesse et craignait d’avoir perdu l’amour de son
fils : ce qui me fut confirmé un mois plus tard, et chose étrange, le
vingt-trois novembre, au château de Saint-Germain-en-Laye, un mois, presque
jour pour jour, après la scène de Fontainebleau.
    La journée avait fort mal commencé. Le Dauphin s’était
réveillé à sept heures. Je lui annonçai que le Roi fallait venir voir de Paris
et ajoutai :
    — Monsieur, voulez-vous pas vous lever pour aller
au-devant de Papa ?
    — Non, dit Louis, le visage fermé.
    Apparemment, il avait encore sur le cœur le rude traitement
de Fontainebleau.
    — Vous n’aurez donc pas le beau tambour et les belles
baguettes qu’il vous apporte. Il les donnera à Monsieur de Verneuil [50] .
    Louis passa soudain de la colère rentrée à la colère
ouverte, grinça des dents, grossit les yeux, me regarda froidement et, avançant
la main, tâcha de m’égratigner.
    — Bien, Monsieur, vous me battez ! Mais que
voulez-vous que Papa fasse de ce tambour ?
    — Qu’il le donne à Mouchieu de Ve neuil !
dit le Dauphin, très à la fureur.
    Toutefois, sur le coup de onze heures, ayant dîné, Louis
reçut la permission de s’aller promener au jardin, le temps étant doux et
ensoleillé pour un novembre. Comme il atteignait la fontaine basse où il aimait
jouer avec l’eau, au détour d’un bosquet, il aperçut le Roi à cheval. Il ne
s’attendait pas à le voir là, non plus que monté, Henri venant de Paris en
carrosse. Il en fut tout étonné et, dans sa surprise, en oublia son
ressentiment. Il courut à lui gaiement, lui tendant ses petits bras. Le Roi
pâlit, mais cette fois de la vive joie qu’il avait de cet accueil, démonta,
jeta les rênes à son écuyer, et le prenant dans ses bras, le baisa cent fois,
le Dauphin lui rendant ses baisers, tous deux ravis, et revenant ensemble au
château, le Roi lui donnant la main et lui montrant les travaux qui se
faisaient alors dans le parc de Saint-Germain-en-Laye.
    — Dormez-vous, Siorac ? reprit Héroard au bout
d’un moment.
    — Nenni, Monsieur, ce conte m’a ému et m’a donné à
penser.
    — À savoir ?
    — Qu’il était moins facile pour un roi de commander à
un enfant de trois ans qu’à de puissantes armées.
    — C’est bien pensé ! Et maintenant, mon beau
neveu, dormons ! Notre nuit sera courte.
     
    *
    * *
     
    Été comme hiver, le docteur Héroard, qui avait le sommeil
profond autant que sonore, se faisait secouer par son valet à six heures du
matin pour la raison que le Dauphin s’éveillant entre six

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