Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
préférer un jour à Bassompierre…
    — Il vaut mieux, Bassompierre, reprit Henri, que cela
ne soit point cause de rompre notre bonne intelligence, car je t’aime
d’inclination et d’affection.
    Pour paradoxale que fût, en la circonstance, cette
déclaration, elle sonna juste et elle était vraie. Le Roi nourrissait une vive
amitié pour Bassompierre. Il lui ôtait sa future femme, mais il l’aimait.
    — Je suis résolu, dit Henri, de la marier avec le
Prince de Condé et de la tenir auprès de ma femme. Ce sera la consolation et
l’entretien de la vieillesse où je vais désormais entrer.
    Il avait déjà la veille employé avec Mademoiselle de
Montmorency cette formule chattemite qui avait pour but de voiler – sans
tromper personne – l’énormité de son projet et le peu de respect dont il
témoignait à l’égard des liens sacrés du mariage. Si l’intention de pécher est
déjà un péché (comme on nous l’enseigne) le père Cotton, s’il avait ouï ceci,
aurait eu quelques raisons de pousser de gros soupirs et de faire un rapport
désolé au général de la Compagnie de Jésus et, par son intermédiaire, au Pape.
    — Mon neveu, reprit le Roi, aime mieux mille fois la
chasse que les dames et je lui donnerai cent mille francs par an pour se livrer
à sa passion. Quant à Mademoiselle de Montmorency, je ne veux d’autre grâce
d’elle que son affection sans rien prétendre davantage…
    Dans ce cas, aurait pu répondre Bassompierre, pourquoi la
démarier de moi pour la marier à un prince qui, s’il fallait tout dire,
préférait mille fois aux dames, non point la chasse, mais les damoiseaux ?
    Quand le Roi eut fini de parler, un silence long et lourd
régna dans la pièce dans l’attente de ce que Bassompierre allait dire. Quant à
moi, tout énamouré que j’étais de ma Gräfin, et, selon l’expression du
Roi, « furieux et outré en cet amour », il eût fait beau voir, jour
de Dieu ! que le Roi me demandât de renoncer à elle !
    « Ah ! mon fils ! » me dit mon père quand
je lui confiai à quel point Bassompierre m’avait déçu en la circonstance,
« que jeune et béjaune vous êtes ! Que pouvait notre pauvre
ami ? Résister eût été une impertinence inutile. Le Roi est tout-puissant.
Il eût, au mieux, renvoyé le Comte en sa Lorraine natale et l’aurait, au pis,
embastillé. Et ne croyez-vous pas que le Connétable allait dire oui, cent fois
oui à un mariage avec le premier prince du sang ? Sans l’agrément du Roi
et sans celui du père, que pouvait Bassompierre ? – Monsieur mon père,
dis-je, encore fort chagrin, vous dites vrai sans doute. Mais de quelle
tyrannie a usé le Roi en l’espèce ! Et que vilaine me paraît cette
intrigue ! » À cela, mon père secoua tristement la tête et ne
répondit pas.
    L’expression « impertinence inutile » pour
qualifier un refus au Roi était de Bassompierre lui-même, je l’appris plus
tard. Et, à partir de cette considération, le Comte fut prompt à prendre son
parti. En y réfléchissant plus outre en mon âge plus mûr, j’ai pensé que si,
comme disait ma Gräfin avec tant d’esprit, Bassompierre avait fait de
son mieux pour perdre ses solides vertus allemandes et pour se parer des
brillants défauts français, parmi ceux-ci il avait toujours négligé d’acquérir
le plus français et le plus brillant : la désobéissance. Je ne nommerai
pas ici tous ceux qui à la cour de France et dans l’entourage du Roi eussent pu
lui servir à cet égard de modèles. Ou plutôt, je n’en nommerai qu’un : le
Prince de Condé.
    Mais j’anticipe, et comme on dit dans la farce de Maître
Patelin, revenons à nos moutons. Et pour que ceux-là fussent aussi bien
enrubannés que par la belle Astrée, on pouvait compter sur Bassompierre. Il
céda, assurément, mais avec la bonne grâce d’un parfait homme de cour et dans
un langage apprêté que n’eût pas désavoué Céladon.
    — Sire, dit-il de sa voix grave et bien timbrée, j’ai
toujours ardemment désiré une chose qui m’est arrivée lorsque moins je
l’attendais : qui était de pouvoir, par quelque preuve signalée, témoigner
à Votre Majesté l’extrême et ardente passion que je lui porte et combien
véritablement je l’aime. Certes, il ne s’en pouvait rencontrer une plus haute
que celle-ci, de quitter sans peine et sans regret une si illustre alliance,
une si parfaite dame et si violemment aimée de moi, puisque, par cette pure

Weitere Kostenlose Bücher