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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pouvait qu’enflammer au
plus haut point une épouse jalouse et de caractère si violent qu’elle osa un
jour lever la main sur le Roi, comme je l’ai déjà conté. Mais le commentaire du
traître fut bien plus insidieux et infiniment plus dangereux pour le Roi.
Celui-ci, insinua Concini, en mariant la pécore à Condé avait fait d’une pierre
deux coups. Il espérait que le Prince, n’aimant pas les femmes, ne laisserait
pas un jour d’être complaisant. Mais surtout, en faisant de Charlotte une
princesse du sang, il l’avait rapprochée du trône, où déjà il pensait la faire
monter, ou s’il n’y rêvait pas encore, la poutane l’y pousserait de
toutes ses forces et, faisant de son corps un irrésistible appât, ne se
donnerait à lui qu’à cette condition…
    Quant à la Reine, hélas, un divorce ferait l’affaire. Le
Pape le pourrait-il refuser à un monarque assez puissant pour envahir ses
États ? Sans doute, on pouvait être assuré que le Saint-Père ferait
traîner les choses en longueur. Mais alors, ce serait bien pis. L’impatience du
vieux muguet s’avérerait si vive à posséder la garcelette que d’autres moyens,
plus expéditifs et plus subtils, pourraient être mis en œuvre pour se
débarrasser d’une épouse gênante. À cela, il n’y avait remède dans le présent
que dans la plus extrême prudence. Le Roi était accoutumé, quand il mangeait
seul, à envoyer à la Reine les plus délicats morceaux, et lui, Concini, ne
laissait pas de penser qu’il serait dangereux d’accepter à l’avenir ces dons…
    D’autre part, le Roi se préparait à la guerre contre
l’Autriche et l’Espagne, et cette seule préparation lui valait chez les bons
catholiques de son royaume de nombreux ennemis, et d’autant plus redoutables
que le Roi se gardait fort mal, ayant échappé à seize assassinats par une suite
de miracles où il fallait voir l’effet de la protection divine. Mais cette
protection allait-elle continuer, alors que le Roi se préparait à faire la
guerre aux catholiques, en s’alliant aux huguenots ? Et s’il devait
arriver malheur au Roi, l’intérêt de Marie n’était-il pas de se faire sacrer
reine avant que son époux partît pour la guerre, afin que ce sacre conférât à
sa régence un surcroît de légitimité ?
    Ces propos ne prirent pas plus de cinq minutes, après
lesquelles Concini, ayant quis son congé de Sa Majesté, s’en alla, confiant
dans l’habileté et la ténacité de Léonora Galigaï pour relayer ce discours de
façon à l’imprimer fortement dans l’esprit de la Reine au cours de ces parlotes
nocturnes en tête-à-tête, où celle qui depuis l’âge de cinq ans avait été sa
confidente façonnait à sa guise l’esprit de la Reine.
    La Reine parut, au départir de Concini, troublée au point
d’omettre d’applaudir une course à la bague qui venait de se conclure à la
satisfaction du champion. Cet oubli produisit un certain flottement dans la
foule et ne fut réparé que par l’initiative du Roi, qui ayant encore une course
à courir n’avait pas démonté et, se trouvant dans le champ, applaudit à tout
rompre, tourné vers les gradins.
    À la différence de sa femme, Concini ne couchait pas au
Louvre, et depuis peu, il s’était vu refuser, sur le commandement du Roi,
l’entrant des appartements de la Reine, tant est que, ne la pouvant entretenir
en privé, l’audacieux coquin avait imaginé de le faire dans le brouhaha et le
désordre de cette course, brièvement, à voix basse et dans sa langue, la
supposant non sans raison tout à plein déconnue des demoiselles d’honneur qui
entouraient la Reine, toutes filles françaises de bonne maison, mais élevées
dans des couvents où l’on avait pris le plus grand soin de ne leur rien
apprendre.
    Je suivis Concini des yeux tandis qu’il s’éloignait. Le
bellâtre ne manquait pas d’allure, et il eût même été assez bel homme s’il
n’eut porté sur son visage cette impudence dévergognée qui le faisait haïr de
tous à la cour, parce qu’on y pouvait lire en clair à quel point il méprisait
la nation dont il était l’hôte et dont il suçait la moelle. Dès qu’elle fut
seule, la Reine se tourna vers le Duc d’Épernon et lui parla longuement à voix
basse. Par malheur, Mademoiselle de Fonlebon, ayant terminé son récit
périgourdin, se tut à cet instant, attendant de moi que je lui fisse un récit de
même farine, ne serait-ce que pour honorer le lien de

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