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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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qu’il continuât à l’être, puisque le jour où il serait assouvi, il serait,
comme il le prévoyait, désoccupé, et ne recevrait plus du Roi les commandes qui
le faisaient vivre.
    Si Monsieur de Malherbe et moi avions peu regardé les bagues
au cours de notre entretien, nous n’étions assurément pas les seuls, la plupart
des courtisans, et en particulier les dames, parlant au bec à bec de leurs
petites affaires et se contentant d’applaudir quand le premier rang en donnait
le signal. Resté seul, je cherchai derechef de l’œil mon père et La Surie, sans
grand espoir de les trouver en cette foule, et à la vérité j’abandonnai sans
vergogne cette quête quand j’aperçus un aimant combien plus attractif :
Mademoiselle de Fonlebon, fille d’honneur de la Reine, que Roquelaure m’avait
montrée au Louvre lors de la crise de goutte du Roi, et dont le petit dauphin,
en ses huit ans, disait qu’il était amoureux, « l’ayant baisée quatre
fois, deux fois sur chaque joue ».
    Je me faufilai jusqu’à elle, non sans hardiesse, car il me
fallut traverser pour l’atteindre l’escadron des filles d’honneur de Sa Majesté
la Reine, lesquelles étaient rieuses et pépiantes et me dévisagèrent en se
moquant, comme si j’eusse été une sorte de poisson qui n’avait pas le droit de
nager dans leurs eaux. J’atteignis enfin Mademoiselle de Fonlebon, la saluai et
me nommai.
    — Siorac ? dit-elle d’une voix douce. Mais je
connais ce nom. À ce que j’ai ouï dire, une de mes grand’tantes du Périgord,
née Caumont, avait épousé un Siorac. Elle est morte en couches, m’a-t-on dit.
    — C’était ma grand-mère, dis-je, fort heureux de me
découvrir avec elle un lien de sang. Mon grand-père est le Baron de Mespech, et
sa châtellenie se trouve à quelques lieues de Sarlat.
    — Nous sommes donc cousins ! dit-elle avec gaîté.
Mon cousin, touchez là !
    Je ne me contentai pas de lui prendre la main. Je la baisai,
ce qui fit rire et protester les filles d’honneur qui nous entouraient.
    — Fi donc ! dirent-elles. L’impertinent n’a aucun
usage ! Il baise la main des filles ! Il ne sait pas qu’on ne la
baise qu’aux dames !
    Ce tollé attira l’attention de la Marquise de Guercheville
qui, l’éventail en main et le vertugadin tout gonflé d’indignation, bondit sur
moi le bec en avant, comme une poule qui se prépare à défendre ses poussins.
    — Qu’est cela ? Qu’est cela ? cria-t-elle, la
voix caquetante. Un damoiseau parmi mes filles ! Or sus, Monsieur,
décampez à l’instant ! Vous n’avez rien à faire céans !
    — Madame ! Madame ! crièrent les filles
d’honneur, qui après m’avoir houspillé prenaient maintenant ma défense, c’est
le cousin de Fonlebon !
    Et elles se mirent à chantonner en chœur :
    — Son grand-père a épousé sa grand’tante !
    Elles prononçaient ces mots de « grand-père et de
grand’tante » comme s’ils leur paraissaient infiniment comiques.
    — Mais je vous reconnais ! dit la Marquise, me
dévisageant de ses yeux gentils et un peu niais (et je pris aussitôt l’air le
plus innocent que je pus). Je vous ai vu dans la chambre du Roi, quand il était
au lit avec sa goutte. Vous lui lisiez L’Astrée, et il vous appela son
« petit cousin ».
    À cet instant, la Reine, qui se trouvait assise devant nous,
se retourna à demi et dit d’une voix qui, pour une fois, n’était point trop
revêche :
    — Il n’est point son cugino, mais son filleul,
et aussi le filleul de Madame de Guise.
    Madame de Guercheville, qui voyait tous les jours la
Duchesse de Guise dans les appartements de la Reine, et qui, vivant depuis si
longtemps à la cour, ne pouvait ignorer son véritable lien avec moi, se trouva
fort embarrassée. Elle ne voulait ni enfreindre la règle, ni déplaire à une
aussi haute dame.
    — Monsieur, dit-elle, puisque vous êtes le cousin de
Mademoiselle de Fonlebon, vous pouvez vous asseoir un petit quart d’heure à son
côté et vous entretenir en toute sagesse avec elle.
    Je la saluai, et Mademoiselle de Fonlebon lui fit une
gracieuse révérence.
    — Merci, Madame, dit-elle.
    — Merci, Madame ! reprirent en chœur les filles
d’honneur, sur un ton qui trahissait à l’égard de Madame de Guercheville un
mélange de moquerie et d’affection.
    — Rien qu’un petit quart d’heure, Monsieur ! dit
la Marquise de Guercheville en me menaçant du doigt.
    Intimidé par la

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