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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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bien mince. Comment en toucher mot à
Henri sans qu’il s’en gausse et me rie au nez ? Vous n’ignorez pas avec
quel dédain il écarte tous les avertissements. Il a une bonne diplomatie
secrète, mais comme vous savez, sa police est encore dans les limbes. Au
rebours d’Henri III, qui s’était entouré de quarante-cinq épées, c’est à
peine s’il permet à Vitry ou Praslin de le protéger.
    — Toutefois, Monsieur mon père, les Quarante-cinq
d’Henri III ne l’ont pas empêché d’être assassiné par la Ligue.
    — C’est qu’il avait un talon d’Achille : il
adorait les moines. Les ligueux lui ont fabriqué un petit jacobin fanatique,
par qui Henri III s’est laissé approcher sans même le faire fouiller.
    — Mais pourquoi notre Henri se garde-t-il si mal ?
dit La Surie. Le savez-vous ?
    — Il est, dit-il, dans la main de Dieu, et si Dieu veut
qu’il meure, il mourra.
    — Je n’eusse pas attendu de lui ce langage.
    — Aussi, n’est-ce qu’un langage, dit mon père. Le vrai,
c’est qu’il est joueur. Le jeu, chez Bassompierre, est un métier. Mais chez le
Roi, c’est un état d’esprit. Dans son existence aventureuse, il a dû remettre
tant de choses au hasard que, même pour ce qui touche à sa propre vie, il s’en
remet encore à lui.

 
CHAPITRE XI
    Vers la fin juin, bien que la cour fût encore à
Fontainebleau, Bassompierre revint à Paris pour son « affaire de
dame », celle-ci paraissant lui tenir à cœur davantage que les trois
autres qu’il avait déjà ès lieux qu’il venait de quitter. Et comme il faisait
toujours en ses escapades, il vint souper en notre logis du Champ Fleuri.
Pauvres rustres de Paris que nous étions, il eut à cœur de nous dégrossir, nous
apportant les nouvelles de Fontainebleau, lesquelles, toutefois, furent bien
loin de nous égayer.
    Nous apprîmes ainsi que la Reine avait refusé tout à trac
les morceaux les plus succulents que le Roi, à son dîner, lui avait envoyés,
lui rétorquant qu’il ferait mieux de les faire porter à sa «  poutane  »,
désignant ainsi la Princesse de Condé. Le Roi ne fit d’abord qu’en rire, mais
quand il apprit que la Reine faisait cuire ses viandes dans sa chambre par
Léonora Galigaï et qu’il entendit mieux ce que signifiaient ces refus, il entra
dans une épouvantable colère, jura ses « Ventre Saint-Gris ! » à
la douzaine – d’aucuns courtisans murmurant même qu’il aurait été jusqu’à
dire « cette folle me prend-elle pour un Médicis ? »
    — Mais si peu prudent que soit Henri en ses saillies,
ajouta Bassompierre, je décrois celle-là !
    Et en effet, c’eût été là, m’expliqua mon père, un bien
damnable propos car, d’après la rumeur, le père de Marie de Médicis et sa belle
maîtresse Bianca avaient été empoisonnés le même jour, d’aucuns disaient par le
cardinal de Médicis, lequel, s’étant ensuite défroqué et marié, avait succédé à
son frère à la tête du Grand-Duché de Toscane.
    — Pis même, reprit Bassompierre, il n’est caquet à la
cour que de la terrible scène entre le Roi et Monsieur le Prince. Celui-ci,
étant excédé des attentions secrètes et publiques prodiguées par Sa Majesté à
la Princesse, demanda au Roi son congé pour lui et pour sa femme, afin qu’ils
se pussent retirer dans l’une de leurs maisons. Sa requête fut violemment
rejetée et il reçut son paquet, quasiment dans les mêmes termes dont Madame de
Guise s’était servie au cours de son insomnie.
    — Votre femme est ma sujette ! cria Henri, les
yeux étincelants. Je lui peux commander de demeurer céans ainsi qu’à vous.
    — Et à quelle fin, Sire ? s’écria le Prince.
N’est-ce pas bien méchant à vous de vouloir coucher avec la femme de votre
neveu ?
    — Que dites-vous là ? Je ne désire que son
affection !
    — Est-ce par affection, Sire, que vous entretenez avec
elle une correspondance secrète ? La chose n’est que trop claire et toute
la cour en jase : vous voulez me peindre la honte sur le visage.
    — La honte, elle y est déjà ! dit le Roi très à la
fureur, vous qui bougeronnez vos pages, bougre que vous êtes ! Si vous
n’étiez prince, il y a beau temps que le Parlement vous aurait déjà condamné et
brûlé !
    — Sire, est-ce une menace ? Que dirait la
chrétienté, si le roi de France expédiait son neveu au bûcher pour pouvoir
coqueliquer avec sa nièce ? À la parfin, c’est trop de

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