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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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sang que nous venions de
nous découvrir. Contraint à mon tour de parler, je ne pus ouïr que peu de mots
de ce que disait la Reine, mais assez pour conclure qu’elle répétait au Duc en
son jargon les propos que Concini venait de lui tenir.
    Ce faisant, elle avait tourné la tête vers le Duc, et le Duc
ayant tourné la sienne vers elle, ils se trouvèrent au bec à bec, et je fus
frappé du contraste entre leurs deux profils. Celui d’Épernon était de ceux dont
on se dit qu’il ferait grand effet sur une médaille, les traits étant bien
dessinés, et sa physionomie imperturbable annonçant tout ensemble esprit, ruse
et dureté. Tandis que celui de Marie, avec un gros nez quasi bourgeonnant du
bout, une lèvre inférieure sottement en saillie, et un menton prognathe,
trahissait un mélange bien peu attirant de vulgarité, de balourdise et de
morgue. Il était bien connu que la Reine, ayant peu d’idées, tenait d’autant
plus à celles qu’elle s’était mises en cervelle et les suivait avec une
opiniâtreté qui supplantait en elle la raison. Toutefois, elle n’était pas
dénuée d’un certain flair ; elle avait bonne mémoire ; elle voyait
les choses sans finesse, mais elle les voyait assez bien. Elle avait confiance
en Épernon. Elle se sentait du même bord que lui, et ne se trompait pas. Il
appartenait au parti espagnol, lié en secret à Philippe III par un traité,
catholique à « gros grain », comme on disait alors, fort avant dans
l’amitié des jésuites, et en outre animé contre le Roi d’une rancœur qui, due à
d’autres causes, était au moins égale en intensité à celle d’une épouse trompée
et délaissée.
    Quand, le soir même de cette course de bague, je retrouvai
mon père à Samois dans la « chambrifime » de l’auberge des Sept
Fayards, je lui demandai quels étaient les sentiments qu’Épernon nourrissait à
l’égard d’Henri. Il me répondit :
    — Fiel et venin. Je vous l’ai dit déjà. Le Roi lui a
imposé dans sa ville de Metz un lieutenant tout dévoué à la couronne, lui rogne
chaque jour ses prérogatives de colonel-général de l’infanterie française, et
par-dessus tout a décidé d’ores et déjà de ne lui confier aucun commandement
dans la campagne qui se prépare. En contrepartie, il l’a nommé au Conseil de
régence qui doit éclairer la Reine et décider de tout quand il sera lui-même
aux armées. Mais c’est là une compensation dérisoire et quasi insultante. Le
Conseil de régence sera composé de quinze membres et Épernon n’y disposera que
d’une seule voix : la sienne. J’eusse préféré quant à moi une disgrâce
ouverte à cette demi-disgrâce, car Épernon est un redoutable félin, tout
ensemble rusé, prudent et audacieux. Je suis persuadé que c’est lui qui a
conseillé le premier à Henri III d’assassiner le Duc de Guise, mais par
une sorte de hasard, trop heureux pour n’avoir pas été machiné, il n’était pas
présent à Blois au Conseil secret qui décida de l’exécution. Je le puis
affirmer sans ambages. J’y étais.
    — Oh ! mon père ! dis-je. Vous avez juré le
contraire à la Duchesse de Guise ! Et devant moi !
    — Vous la connaissez. Comment aurais-je pu lui
expliquer que j’assistais à ce Conseil à titre de témoin, mais sans voix
délibérative ! Ces nuances lui eussent échappé !
    — À titre de témoin, Monsieur mon père ? Et quel
fut votre témoignage ?
    — Vous le lirez dans mes Mémoires, dit-il avec
impatience. Nous parlions d’Épernon : que dit-il quand la Reine redéversa
dans son oreille les conchinades de cet odieux faquin ?
    — D’abord, il jeta un regard vif aux alentours,
derrière soi compris, et ne vit rien là que de normal, car penché sur
Mademoiselle de Fonlebon, je lui parlais du Périgord. Après quoi, il demeura
muet du bout en bout. Et quand, fort étonné de ce silence, je lui jetai
quelques coups d’œil en tapinois, je le vis écouter la Reine avec la plus
grande attention, et hochant parfois la tête comme s’il approuvait le discours
qu’il oyait, mais toujours sans piper.
    — Autrement dit, Épernon a endossé sans le dire les
thèses infâmes de Concini…
    Mon père échangea alors un regard avec La Surie, qui avait
écouté cet entretien d’un air effrayé, et se tut, tout entier dans ses
réflexions.
    — Eh bien, dit La Surie au bout d’un moment, qu’en
pensez-vous ? L’irez-vous dire au Roi ?
    — L’indice est

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