Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
cote mal taillée. Venise ne rappelle pas les
jésuites, mais remet au Pape les deux criminels.
    — Et qu’en fit le tribunal du Pape ? demanda La
Surie.
    — Ce qu’eût fait tout aussi bien le tribunal de Venise.
Il les jugea et les pendit.
    — Pauvre profit pour les pauvres diables ! dit mon
père.
    — Mais grand profit pour le cardinal de Joyeuse et le
cardinal Du Perron de passer à négocier un hiver, qui à Venise et qui à
Rome. Et pour moi de rapporter de Venise ce charmant petit souvenir que voilà,
poursuivit Fogacer en désignant son acolyte.
    —  Trahit sua quemque voluptas, dit le Chevalier.
    Il avait parlé à mi-voix, mais je l’ouïs fort bien et je
l’entendis mieux encore, tant je commençais à trouver incommode l’attention
dont Fogacer m’accablait.
    — Et le Roi est-il satisfait de cette heureuse
issue ? dit mon père.
    — Médiocrement. Il sait bien qu’il est à s’teure peu
aimé de Venise et pas du tout du Pape, ayant dû arracher des concessions aux
deux parties.
    — Et du prêche du père Cotton, qu’en a-t-il
pensé ?
    — Je ne sais, mais Sully, toujours aussi roide, a dit,
au sortir de la messe, que ce n’était là que « babil ». Et quant à
Madame, elle a gardé un silence des plus rechignés.
    — Il faut convenir, dit le Chevalier, que, pour un
homme d’esprit, le père Cotton s’est montré singulièrement maladroit.
    Parler des indulgences devant des calvinistes, c’est agiter
un chiffon rouge devant un taureau.
    — Ou devant des huguenots convertis, dit Fogacer avec
son sinueux sourire.
    — Mais, n’est-ce pas un abus avéré, dit mon père, de
donner à penser aux gens qu’en récitant dix fois la même prière ou en donnant
de l’argent aux prêtres pour leurs œuvres, ils vont gagner des jours
d’indulgence à déduire des années de purgatoire qu’ils auront à purger avant
d’entrer au paradis ?
    — Comme quoi, dit le Chevalier avec feu, d’un abus
découle toujours un autre abus. Et le premier en date fut cette damnable
invention du purgatoire, imaginée par les évêques du Concile de Trente afin
d’adoucir les peines éternelles de l’Enfer par des peines temporaires.
    — Messieurs ! Messieurs ! s’écria Fogacer, en
plaçant devant lui les paumes de ses longues mains comme s’il repoussait le
Diable, je sens ici comme une odeur de caque ! N’ajoutez pas à
l’excellente chère de votre table le scandale de vos propos !
    — Qu’est cela ? dit mon père en levant un sourcil.
Fogacer, n’êtes-vous plus sceptique ?
    — Je ne le suis plus autant que par le passé, dit
Fogacer d’un air confit. Ma soutane a fini par me coller à la peau. Et même, en
quelque sorte, par la remplacer. Tant est que de mon athéisme même je commence
aujourd’hui à douter sérieusement. Ce n’est pas que je croie davantage, mais je
décrois moins…
    — En bref, votre décroire décroît, dit le Chevalier,
incapable de résister à un giòco di parole.
    —  Si j’osais dire un mot, hasardai-je…
    — Mais parle, parle, mon mignon ! s’écria Fogacer.
Toi qui es un Éliacin par la grâce et un David par le jugement…
    Cet encouragement eût enlisé ma roue, si un regard de mon
père ne l’eût ôtée aussitôt de l’ornière.
    — Quant à moi, dis-je, plutôt que de gémir
éternellement en enfer pour mes péchés, j’aimerais mieux encourir une peine
temporaire, laquelle me parait, d’ailleurs, s’accorder davantage à la
miséricorde divine.
    — Excellent ! Excellentissime ! s’écria
Fogacer. Mon mignon, je salue en toi le Ganimède qui verse dans les coupes des
Olympiens l’ambroisie du bon sens.
    — La miséricorde de Dieu, dit mon père gravement,
s’exerce assurément, mais par des moyens dont nous ne pouvons préjuger sans
impertinence. Rien dans les Saintes Écritures ne suggère l’existence d’un
purgatoire.
    — De cela, on pourrait disputer, dit Fogacer.
    Mais il n’en fit rien et il y eut un assez long silence, ni
le Chevalier, ni Fogacer, ni mon père ne se souciant de s’engager plus outre
dans une querelle théologique.
    — Eh bien ! dit Fogacer, maintenant que j’en ai
fini avec mon conte romain, qu’en fut-il pendant ma longue absence de cette
belle Paris ?
    — Le Roi, dit le Chevalier, a, en février, achevé le
Pont Neuf. Et il s’en est trouvé fort content. Il est passé plusieurs fois
dessus pour le plaisir de le parcourir et sans aller nulle part, à

Weitere Kostenlose Bücher