La Volte Des Vertugadins
s’teure en carrosse,
à s’teure à cheval, à s’teure à pied. Et chaque fois, il en fut dans le
ravissement. Puis ayant remarqué qu’ayant traversé le pont, il fallait faire un
grand détour par la rue Pavée et la rue Saint-André-des-Arts pour gagner la
Porte de Buci et sortir de Paris, il décida d’acheter toutes les maisons entre
le Pont Neuf et la Porte de Buci afin de les jeter bas et de construire en leur
place une voie nouvelle qui joindrait en droite ligne le pont à la porte.
« Ce serait, dit-il, un grand ornement pour Paris et une grande commodité
pour le public. »
— Mais ces maisons, dit Fogacer, appartiennent aux
Augustins : des quais de Seine jusqu’à la rue Saint-André-des-Arts, mis à
part l’Hôtel de Nevers, tout leur appartient.
— Soyez bien assuré, dit le Chevalier, que les
Augustins en ont demandé un bon prix, lequel le Roi paya sans barguigner. Ce
qui n’empêcha pas les bons pères, ayant empoché les trente mille livres
tournois de la vente, d’arroser de leurs larmes les pieds de Sa Majesté.
« Sire, gémirent-ils, maintenant que nous avons fait votre commandement,
nous n’avons plus nos beaux jardins. – Ventre Saint-Gris, mes bons
pères ! dit le Roi, l’argent que vous avez retiré de ces maisons vaut bien
quelques choux ! »
À cela Fogacer s’ébaudit beaucoup, partageant tous les
préjugés du clergé séculier à l’encontre des moines.
— Et comment, dit-il, le Roi va-t-il nommer la voie qui
mènera du Pont Neuf à la Porte de Buci ?
— La rue Dauphine, dit La Surie.
— Ah ! Voilà qui est touchant ! dit Fogacer.
Mais n’est pas pour m’étonner. Personne n’ignore à quel point Henri est raffolé
du dauphin Louis.
— Encore qu’il soit parfois avec lui un peu rude, dit
mon père. Ayant été lui-même beaucoup fouetté en ses jeunes années, il croit en
la vertu du fouet. Il ne voit pas que chez lui, au contraire du dauphin Louis,
la correction était corrigée par l’amour d’une mère.
Après cette remarque qui me frappa, mon attention se mit
quelque peu à flotter, car je m’étais tout soudain avisé que la repue empiétait
sur ma sieste. Et pour dire le vrai, j’aspirais à voir partir Fogacer, encore
que je l’aimasse assez et l’aurais aimé tout à fait sans tous les noms qu’il me
donnait. Passe encore qu’il m’appelât Éliacin et David, le premier étant
renommé pour sa candeur et le second pour sa vaillance, mais pensait-il que je
ne savais pas à quelle perverse fin Jupiter avait enlevé Ganimède ?
Comme s’il eût entendu mes pensées, Fogacer se leva,
interminable et squelettique, les cheveux blancs de neige et les sourcils d’un
noir d’ébène. Il prit congé courtoisement et s’en alla en sautillant sur ses
longues jambes, suivi de son acolyte joufflu, fessu et crépu qui me parut, dans
son sillage, absurdement plus petit.
À peine notre porte piétonne s’était-elle refermée sur eux
qu’on entendit frapper à coups redoublés à notre porte cochère. Franz y alla
voir et ouvrit aussitôt. C’était Madame de Guise qui survenait sans s’être
annoncée, comme elle faisait d’ordinaire, par un petit vas-y-dire. Par la
fenêtre de la salle, je la vis, dès que son carrosse de louage fut dans
notre cour, en descendre à la hâte et arracher son masque d’un geste rageur.
Son visage apparut, blême de colère, et faisant d’aussi grandes enjambées que
ses petites jambes le lui permettaient, elle s’engouffra dans notre logis, sans
répondre d’un signe ni d’un sourire, comme c’était son habitude, aux saluts de
nos gens. Elle n’entra pas : elle fit irruption dans notre salle.
— Monsieur, dit-elle en fichant sur mon père des yeux
étincelants, vous êtes un traître ! Et je suis contre vous dans une
épouvantable colère !
— Beau début ! dit mon père.
Le Chevalier, avec une prestesse admirable, se glissa si
vite hors de la pièce qu’on eût pu douter de l’y avoir vu une seconde plus tôt.
Quant à moi, je me levai pour suivre son exemple quand la Duchesse dit d’une
voix furieuse :
— Demeurez, mon filleul, vous allez apprendre de ma
bouche quelle sorte de monstre est votre père !
Cette parole me déplut si fort que, regardant en face Madame
de Guise, je lui dis, sans trop de ménagement ni de respect :
— Madame, je ne demeurerai céans que si mon père me le
commande.
— Restez, mon fils, dit mon père avec calme.
Tout le temps que
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