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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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dans le verbe.
    À défaut de connaissances. Madame de Guise avait, elle,
l’usage du grand monde, l’intuition du cœur et par les plus véhéments discours,
elle ne cessait de grignoter jour après jour les défenses de mon père pour
qu’il consentît à être présent avec moi à son bal.
    — Monsieur, disait-elle, le seize août est mon
anniversaire. Et il serait fort malgracieux de votre part, étant le premier de
mes amis, de ne pas être, sinon tout à fait à mes côtés, puisque les
convenances l’interdisent, mais à tout le moins près de moi. Me voulant ce
jour-là baigner dans l’affection de mes proches, je n’inviterai que les gens
qui me sont les plus chers : mes fils, ma fille, mon filleul, vous-même…
    — Et beaucoup de monde en plus, dit mon père. Le Roi,
la Reine régnante, la Reine divorcée, les deux favorites (les trois, si la
Marquise de Verneuil consent à venir), les princes du sang, les maréchaux de
France, le Comte d’Auvergne, les ducs et pairs présents à Paris, y compris le
Duc de Sully que vous n’aimez guère, mais qui vous paie vos pensions, et le Duc
d’Épernon, que vous détestez, mais dont vous craignez le ressentiment, tous ces
Grands venant chacun accompagné de bonne noblesse française, comme il convient
à leur rang. Et voilà pour votre fête intime. Madame, et votre petit bain
d’affection !…
    — Oubliez-vous que je suis Bourbon par ma mère ?
dit la Duchesse sans la moindre hauteur, et comme si elle eût rappelé un lien
de famille des plus banals, et que je me dois d’inviter Henri, puisqu’il est
mon cousin germain. Et comment puis-je inviter Henri sans inviter la Reine, la
reine Margot [11] , les favorites, les
princes du sang, les ducs, bref, avec la suite d’un chacun, une centaine de
personnes.
    — Et c’est là où, tout justement, le bât me blesse,
Madame. Ce n’est plus un anniversaire, c’est une cohue ! On bâfre, on jacasse,
on sue, on étouffe, les chandelles de vos lustres s’égouttent sur votre tête,
les lanternes vous enfument ; à demeurer debout, on souffre des pieds et
des jarrets ; les parfums de nos belles et les eaux de senteur de nos
galants vous entêtent. Et que fait-on ? On danse ou plutôt, on fait
semblant, car les voix sont si hautes qu’on n’entend même pas les violons. Il
faut hurler pour se donner le bonjour. On n’oit pas ce qu’on vous dit :
petite perte, de reste, car on ne vous dit que des riens et il y a tant de
presse au buffet que c’est à peine si on peut arriver à se faire servir un
gobelet de clairet. Et l’heure passant, on cherche vainement un endroit où l’on
pourrait se soulager…
    — J’y ai pourvu ! dit la Duchesse triomphalement.
J’ai arrangé une chambre des commodités où il y aura une bonne dizaine de
chaires à affaires.
    — Des chaires percées, voulez-vous dire ?
    — Fi donc. Monsieur ! On ne les nomme plus
ainsi ! Cela offense l’honnêteté.
    — Prévoyez donc une seconde chambre des commodités pour
les dames, dit mon père. Sans cela, l’honnêteté sera tout à plein offensée.
    — Mais cela va de soi, dit la Duchesse. Et la porte en
sera gardée par deux Suisses géantins. Ce jour d’hui, même à la vertu des
tendrons on ne peut plus se fier. Savez-vous que, dedans le Louvre même, dans
les appartements des filles d’honneur, on a trouvé le jeune Baron des Termes
dans la chambre de Mademoiselle de Sagonne ? La Reine en a hurlé. Elle a
chassé la Sagonne sur l’heure et couru incontinent chez le Roi pour le prier de
« trancher la tête » du Baron.
    — Qu’a dit le Roi ?
    — Il en a ri à s’étouffer. « Ventre Saint-Gris,
Madame ! a-t-il dit, est-ce bien la tête que vous voulez que je lui
tranche ? Et n’est-ce pas à vous de mieux garder vos filles ? »
    Mon père s’égaya de ce récit et le voyant l’œil plus serein.
Madame de Guise reprit espoir et dit du ton le plus cajolant :
    — Ah ! Monsieur, je vous prie ! Si vous
voulez me plaire, faites-moi la grâce d’être là !
    — Madame, avez-vous pensé à ceci ? Pour ne point
tailler trop piteuse figure à votre bal, il me faudrait un pourpoint de
taffetas, un col à double rangée de dentelles, des chausses écarlates, des bas
de soie incarnadine, des bottes à éperons dorés et un pommeau d’épée rehaussé
de pierreries. Encore ne pourrai-je mettre qu’une seule fois ce coûteux
appareil pour la raison qu’au prochain bal, il ne sera plus

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