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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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« o » en
horreur et les prononçons « ou ». Ainsi nous disons : le sou leil
est une boun ne chou se .
    Je vis que Mademoiselle de Saint-Hubert mettait la main
devant sa bouche pour dissimuler son sourire et je décidai de pousser le jeu
plus avant, comme j’avais vu faire mon père si souvent quand il voulait se
gausser d’un quidam sans toutefois l’offenser.
    — Ah ! dis-je, voilà qui est galant ! Le sou leil
est une boun ne chou se ! C’est admirable !
    — Monsieur, excusez-moi, dit Romorantin, mais nous
disons, « c’est a mirable ». Nous n’aimons pas non plus le
« d », pour ce qu’il est dental et barbare. Et partout où nous le
rencontrons, nous le retranchons tout net.
    — Mais alors, dis-je, comment dites-vous :
« Ma belle me déprise. »
    — C’est tout simple : ma belle me é prise.
    — Mais cela fait confusion, dit Mademoiselle de
Saint-Hubert : on pourrait croire quelle est éprise de vous.
    — Mais bien indubitablement elle l’est, dit Romorantin,
avec un autre de ses petits saluts. Je vous assure qu’à la cour, je ne
rencontre pas de cruelles.
    — Monsieur, dis-je, comment s’en étonner : vous
êtes si bien fait et si bien habillé qu’il n’est pas possible de plus.
    — Et vous, Monsieur, dit Romorantin, vous parlez, quant
aux paroles, avec beaucoup de grâce. Toutefois, si vous me permettez de le dire,
vous prou noncez les mots beaucoup troup à la bourgeoise :
ils ne méritent pas, croyez-moi, qu’on les articule si bien. Il faut les
laisser couler du bout des lèvres et les laisser tomber, tout dé sou ssés,
avec une petite moue, un meuh-meuh à la fin de la phrase et un sourire à
la négligente.
    — Un sourire à la négligente ? dis-je, n’est-ce
pas a mirable ? Coum ment le faites-vous, s’il vous
plaît ?
    — Vous le faites sans moun trer les dents, d’un
seul coûté de la bouche, en prenant soin de lever le sourcil op pousé , comme si vous étiez vous-même é toun né que quelque chou se
puisse vous amuser.
    — Comme ceci ?
    — C’est passablement fait.
    — Ou coum me cela ? dit Mademoiselle de
Saint-Hubert.
    — C’est boun pour le sourcil, Madame, mais point
pour le sourire. Il est troup gai.
    — Monsieur, dis-je, par doun nez-moi de vous avoir
retenu si loun gtemps par mes questions. Vous m’aviez dit que vous aviez
affaire à moi.
    — En effet, dit-il avec un salut.
    Il se redressa de toute sa petite taille, se campa sur ses
deux jambes tendues et, le poing sur la hanche, dit avec gravité :
    — Monsieur, j’ai l’ houn neur d’être un des pages
de Sa Majesté et il m’a or doun né de vous remettre ce pli en mains prou pres , et parlant à voutre per soun ne, au bec à bec. Êtes-vous bien celui-là
que j’ai it ?
    —  Oui, Monsieur.
    — Par doun nez-moi, Monsieur, mais cette ré poun se
est bien simplette et ne se ressent pas assez du bel air.
    — Et que demande ici le bel air ?
    — Eh bien, par exemple, à sup pou ser que l’on
quiert de moi : Mous sieur, êtes-vous bien Mous sieur de Roumou rantin ?
Je ré poun drais : « Indubitablement, je le suis ! »
Sentez-vous coum bien cet a verbe doun ne de l’élégance à vou tre proupous ? À condition, bien entendu, de le prounoun cer du
bout des lèvres, desquelles il doit choir, comme j’ai dit, tout é sarticulé.
Monsieur, souffrez-vous que nous recoum mencions ?
    —  Vouloun tiers. Je trouve voutre méthou de
en tous points a mirable et je m’instruis fourt en vous écoutant.
    — La grand merci à vous. Monsieur, êtes-vous bien
Monsieur de Siorac ?
    — Indubitablement, je le suis.

—  Alours, Monsieur, j’ai là pour vous une
lettre-missive du Roi.
    Et fouillant dans une poche pratiquée dans l’emmanchure de
son pourpoint de soie, il en sortit un pli avec un grand geste en huit de la
main qui fit danser les longues franges d’or attachées au poignet de son gant.
Puis, non sans un certain air de pompe et de cérémonie, il me le remit. Après
quoi, il fit une révérence à Mademoiselle de Saint-Hubert et une autre à
moi-même en se déchapeautant deux fois. Il me montra alors ses talons, lesquels
étaient hauts, incarnats et garnis d’éperons dorés et je crus en avoir fini
avec lui quand tout soudain, tordant vers moi sa taille de guêpe, il
s’immobilisa, et me dit du bout des lèvres, avec un sourire à la
négligente :
    —  Mous sieur, je suis dans l’enchantement d’avoir
en coun tré

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