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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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sur les touches,
mais ne put aller plus loin. Tournant vers moi ses grands yeux noirs où
brillait une larmelette, elle me dit qu’elle comprenait mon chagrin et qu’elle
en savait toute l’aigreur, ayant dû elle-même renoncer à un bal dont elle se
promettait beaucoup. Je sentis tout l’avantage que me donnait cette ouverture.
Je baissai les yeux, je poussai un soupir, je fis l’inconsolé. C’en fut trop
pour elle. Elle me prit dans ses bras et me fit cent baisers. Vous pensez bien
que je n’allais pas prendre l’air gai après cela. D’une voix entrecoupée, je la
remerciai de ses bontés, ce qui l’amena à les redoubler. Après un moment, comme
vaincu par d’aussi tendres soins, je commençai à lui rendre ses baisers, mais
d’un air si dolent qu’elle ne songea pas à s’offenser, ni même peut-être à
s’apercevoir de leur hardiesse. Oui eût pensé que son éducation couventine
l’eût faite si ingénue ou si chattemite ? Nous passâmes ainsi un bon petit
moment, elle à me consoler évangéliquement et moi accueillant ses consolations
avec l’air le plus désolé du monde, mais avec des pensées de derrière la tête
qui ne m’auraient pas gagné le ciel à être placées devant.
    Nous étions engagés dans ce tendre commerce quand on frappa
à la porte. Je me désenlaçai de ses jolis bras (ils étaient nus vu la touffeur
de l’air), je me levai et je criai d’entrer. Par bonheur, ce fut Greta qui
apparut et non, Dieu merci, Mariette dont le regard perçant eût vite fait de
déceler notre trouble. Greta avait la vue basse et, à ce qu’elle nous disait
souvent, voyait le monde flou. Ce qui ajoutait, sans nul doute, à sa
bienveillance naturelle et au vague de ses opinions.
    — Monsieur, dit-elle, il y a là une sorte de petit
gentilhomme empanaché qui nous tit qu’il est au Roi et qu’il a un
message pour Monsieur de Siorac.
    — Fais-le entrer, Greta.
    Toute myope qu’elle fût, elle avait bien décrit le nouveau
venu, car il était fort jeune et fort petit, bien qu’il tâchât d’y remédier par
l’importance de ses talons et la hauteur d’un magnifique panache de plumes
d’autruches blanches et amarante qui étaient attachées à son chapeau de castor
noir par des fermoirs de perles. Les couleurs de son pourpoint de soie et de
ses hauts-de-chausses et bas étaient si vives, si chatoyantes et si bien
accordées entre elles que je craindrais de faire tort au goût exquis du
porteur, si je devais me tromper en les décrivant. Mais je puis témoigner du
moins que du haut en bas de sa vêture, rien ne manquait – passements,
galons d’or, broderies de soie, ganses ou rubans – de tout ce qu’eût pu
exiger de son tailleur la plus élégante guêpe de cour. Toutefois, ce furent
surtout ses gants qui me frappèrent car ils étaient en velours (ce qui, par
cette chaleur, me parut fort incommode), garnis de grands revers brodés, et
ornés du poignet jusqu’à mi-coude de longues franges d’or qui voletaient dans
les airs à chacun de ses gestes.
    — Monsieur, dit-il en parlant du bout des lèvres, comme
si les mots de la langue française eussent été trop communs pour y employer
toute la bouche, peux-je quérir de vous si vous êtes bien Monsieur de
Siorac ?
    — Oui, Monsieur, dis-je. C’est moi. Et voici
Mademoiselle de Saint-Hubert qui est assez bonne pour m’accompagner au
clavecin.
    — Madame, dit-il en se décoiffant avec grâce, et en
balayant le sol de son panache, mais très à la délicatesse, pour ne pas risquer
de casser les plumes, je vous prie d’agréer mes très humbles hommages.
    — Monsieur, je suis votre humble servante, dit
Mademoiselle de Saint-Hubert.
    Le quidam se recoiffa et, se tournant vers moi, il se
décoiffa aussitôt et me salua, mais point tout à fait aussi bas et mettant une
sorte de hauteur dans son humilité. Sans doute me jugeait-il à l’aune de ma
vêture.
    — Monsieur, dit-il, je suis vou tre serviteur.
    — Monsieur, dis-je, un peu étonné de ce qu’il eut dit
« voutre » au lieu de « vôtre », je suis votre serviteur.
Puis-je savoir comment on vous nomme et en quoi vous avez affaire à moi ?
    — On me noum me Rou bert de Roumou rantin , dit le poupelet avec un petit salut qui me parut moins dirigé vers moi que
vers lui-même.
    — Roumourantin ? dis-je. Je connais un Romorantin.
    — Fi donc, Monsieur ! Il y a beau temps qu’on ne
parle plus ainsi en bonne compagnie ! Nous avons les

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