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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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chambrette, puis elle est partie à la mou tarte au
Marché Neuf avec Mariette et les sol tats .
    — Mais elle ne va jamais à la moutarde ! criai-je
au désespoir. Mariette ne l’aime pas et les soldats l’aiment un peu trop !
    — Se peut qu’elle t’ait voulu té piter. Cette
sieste manquée lui sera restée sur le cœur.
    — Oh ! Greta, dis-je en me jetant dans ses bras,
n’est-ce pas de la dernière injustice ! C’est bien à contrecœur que je lui
ai failli. Ne savait-elle pas où j’étais et avec qui ?
    — Bien sûr que si, elle le savait. Il eût fallu être
sourd pour ne pas ouïr les cris de Son Altesse.
    — Mais alors, dis-je, le visage collé contre sa
poitrine, et la gorge serrée, pourquoi m’a-t-elle fait cette écorne ?
    — Parce qu’elle est femme. Mon mignon, il va falloir
que tu te fasses aux façons de ces animaux-là…
     
    *
    * *
     
    J’ai lu dans mon vieil âge, sous la plume tourmentée de
Blaise Pascal, que l’homme ne pouvait être qu’infiniment malheureux parce que
se trouvant égaré par les puissances trompeuses de l’imagination, il
poursuivait des plaisirs qu’il croyait délicieux. Cependant, dès qu’il les
avait en sa possession, il ne trouvait plus en eux que dégoût et ennui.
    Voilà, me semble-t-il, une vérité qui est loin d’être aussi
générale que Pascal en avait l’assurance. Sans doute se rassasie-t-on du boire
et du manger, mais l’avare se lasse-t-il jamais d’entasser l’or sur l’or ?
Le glorieux, d’accumuler titres et honneurs ? Le luxurieux, de courir le
cotillon ? L’homme est fait d’une étoffe moins délicate que ne le rêvait
Pascal.
    Je n’ai jamais, quant à moi, éprouvé ma vie durant le
moindre sentiment de satiété à voir quotidiennement mes désirs satisfaits. En
particulier quand se mêlaient à cette satisfaction les émeuvements les plus
tendres. Au moment où son bal du seize août agitait si fort Madame de Guise,
j’entrais dans ma quinzième année. Il y avait déjà trois ans que Toinon
partageait ma couche. Et quand, à la fin de ma matinée laborieuse, je me hâtais
vers ma chambrette, je vibrais toujours de la même délicieuse impatience.
L’habitude n’émoussa jamais les enchériments merveilleux que je goûtais avec
elle et quand elle me quitta, trois ans plus tard, elle me laissa irrassasié.
    Ma soubrette, du temps où elle régna sur moi, n’eut jamais
qu’une rivale : l’étude. Je m’y livrais avec un zèle si extraordinaire que
le plus sévère des régents en eût été content. C’est que je n’y allais pas que
d’une fesse, comme la plupart des écoliers, mais des deux, au galop et à brides
abattues. À cette allure, je fis des progrès rapides. Mon jésuite en demeurait
tout étonné, lui qui me donnait à composer, sur un thème donné, des
dissertations de dix pages en latin et exigeait, après correction, qu’on
dialoguât ensuite en langue cicéronienne sur les points litigieux. Mieux même,
ou pis même : j’écrivais de mon plein gré des vers latins. Tous les pieds
y étaient et la syntaxe aussi. Mais, je le crains, la poésie n’y gagnait que
peu de chose, tout grand admirateur que je fusse de Virgile, et puisant dans Les
Bucoliques mon inspiration.
    Étant féru de beau langage, et ayant beaucoup goûté la
compagnie d’Henri III, le plus instruit de nos princes Valois et le plus
éloquent, mon père encourageait ces efforts. Il était, comme Henri III
l’avait été, raffolé des contes bien troussés, des assauts d’esprit, des joutes
verbales, des portraits piquants, des mots d’esprit. Monsieur de La Surie
partageait ce penchant, qui parfois allait chez lui jusqu’au travers. Tous deux
parlaient une langue savoureuse, semée d’expressions périgourdines ou
archaïques, qui faisait mes délices sans que, de reste, je les voulusse imiter,
Monsieur Philipponeau me persuadant que je devais être de mon siècle et non du
leur. J’aurais toutefois rougi de ne pas être aussi bien disant qu’ils
l’étaient.
    — Le bien dire, disait mon père, n’est pas que le bien
dire. Vous qui êtes cadet comme je le fus moi-même et ne devrez qu’à vous-même
votre avancement dans le monde, vous ne le trouverez qu’à la cour, où tout
l’art est de plaire. Et comment plaît-on au Roi, aux Grands et aux dames –
si puissantes en ce pays – sinon par l’art de bien dire les choses,
c’est-à-dire par une certaine finesse dans l’esprit comme

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