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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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à la mode qui
trotte, nos beaux muguets de cour en ayant décidé ainsi.
    — Eh bien. Monsieur, dit la Duchesse jouant son va-tout
et parlant quasiment à la désespérée, venez donc en votre habit de velours
noir ! De vous, huguenot converti, cela pourra passer, pourvu que vous
portiez autour du cou votre collier de Chevalier du Saint-Esprit. On ne se
gausse pas d’un gentilhomme qui peut porter une telle marque de la faveur
royale.
    — En habit de velours noir ! Un seize août !
Dans cette presse ! Me voulez-vous voir étouffer ? Non, non. Madame,
ne parlons plus de cela ! Nous nous fâcherions ! Et c’est tout le
rebours que je souhaite.
    Ce disant, il prit sa petite main potelée, la porta à ses
lèvres et la baisa d’une façon très particulière qui devait être entre eux une
sorte d’amoureux langage, car Madame de Guise frémit, rosit et devint coite
comme nonnain à matines.
    Eh bien, pensai-je, voilà donc l’affaire réglée et mon joli
bal à l’eau. Car, encore que le respect m’eût défendu de déclore devant mon
père mon sentiment, puisqu’il contrariait le sien, je désirais ardemment qu’il
acceptât l’invitation de Madame de Guise, tant pour faire plaisir à ma bonne marraine
que pour voir enfin de mes yeux son bel Hôtel de Grenelle et tous ces hauts
personnages de la cour dont les noms, les caractères, les hauts faits ou les
ridicules revenaient sans cesse dans la conversation de la Duchesse, de
Fogacer, de Bassompierre et de mon père. Et pourquoi cacherais-je ici le vif
plaisir que je m’étais promis à contempler, fût-ce de mon petit coin, ces
beautés célèbres dont nos chambrières clabaudaient à longueur d’horloge, parce
qu’elles avaient été, ou étaient, ou allaient être les favorites du Roi :
la Marquise de Verneuil, la Comtesse de Moret, Charlotte des Essarts. Leurs
noms eux-mêmes avaient à mon oreille je ne sais quel charme qui touchait mon
imagination et me donnait à rêver.
    Bien que ma sieste laissât peu de temps au langage articulé,
je confiai entre deux soupirs à Toinon ma déception pour ce bal perdu. Je la
trouvai fort peu compatissante.
    — Ma fé, Monsieur, je ne me pense pas que vous perdiez
grand’chose ! Ces grandes dévergognées de la noblesse sont mieux
attifurées que nous, mais enlevez-leur leur corps de cotte, la basquine, le
vertugadin, les fausses boucles, le faux cul, les fausses couleurs dont elles
se badigeonnent et qu’allez-vous trouver ? Des femmes bien semblables à
nous autres, peut-être même un peu moins bien, avec des tétins, un nombril et
un cas fendu de bas en haut ou de haut en bas, comme vous voulez, mais jamais
de dextre à senestre ! Cornedebœuf, où donc est la différence ? Au
moins, vous, mon mignon, quand vous me dévêtez, avez-vous sous les yeux un
derrière qui doit tout à la nature et des tétins qui ne doivent rien au
tailleur. Babillebabou ! J’enrage de voir les hommes à genoux devant ces
animaux-là ! À leur lécher le bout des pattes et à les adorer, parce
qu’elles font avec eux les façonnières et les renchéries, et les tourneboulent
avec leurs yeux fondus, leurs petites moues et leurs faux-semblants. Je vous le
dis, Monsieur, avec elles, tout est pour la montre et très peu pour
l’effet ! Moi, pour soixante livres par an que me donne Monsieur le Marquis,
plus le rôt et le logis, je vous fais plus de bien que ne vous en feront jamais
ces coquettes-là leur vie durant. Et qui plus est, je le fais en m’y plaisant,
pour ce que vous êtes joli à voir, doux au toucher, propre comme un sou neuf
et, chose rare chez un homme, toujours prêt aux enchériments.
    Toinon fit un conte de ma déconvenue au sujet du seize août
à Greta, la seule dans notre domestique qui souffrait son humeur altière. Greta
le répéta en y ajoutant de son cru à Mariette, laquelle étant accoutumée à
transformer le moindre minou en un énorme tigre, fit de ma petite déquiétude un
grand désespoir dont elle entretint Geneviève de Saint-Hubert comme elle
arrivait chez nous. Or, Mademoiselle de Saint-Hubert avait un naturel aussi
tendre que le beurre et aussi facile à fondre. Elle pleurait quand elle voyait
un souriceau gémir sous la griffe d’un chat. Ce jour, elle devait, en
m’accompagnant sur le clavecin, me faire chanter en italien, excellent
exercice, disait-elle, pour m’accommoder la glotte aux sons de cette belle
langue. Elle s’assit avec grâce et promena ses jolis doigts

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