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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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tirée par le bras en la
protégeant, en nous dirigeant vers l’escalier, puis je l’ai placée devant moi
et je l’ai exhortée à se faufiler. Elle a trébuché. J’ai à peine pu l’éviter,
mais les gens derrière moi l’ont piétinée. Elle est morte en criant, Élise, en criant
et en m’appelant. « Côme ! Côme ! qu’elle disait, où es-tu,
Côme ? Je ne vois rien ! » Il y avait tellement de fumée qu’on
s’est perdus. Elle criait, et moi je répondais : « Ici ! »,
mais je n’étais plus là, parce que j’avais été poussé sur le trottoir. J’ai
tenté de retourner la chercher, mais on m’en a empêché. L’enfer !
    Élise était de glace. Elle aurait dû le
consoler, lui prendre une main, aller chercher un linge mouillé ou des kleenex,
mais elle demeura immobile. Statufiée. Puis elle s’entendit demander qui était
Suzanne.
    – Ma blonde, Élise… L’autre femme que
j’aime depuis plus de dix ans…
    Élise se prit la poitrine à deux mains pour
empêcher son cœur d’en jaillir.
    – Et moi, j’étais quoi, Côme ?
    – Toi, ma femme. Une fille que j’ai
baisée, et que mes parents ont aimée et dont ils étaient fiers. Une fille dont
la fragilité m’a toujours fait peur. J’étais tellement torturé que je vous ai
mal aimées toutes les deux. J’étais déjà avec Suzanne quand j’ai fait ta
connaissance.
    – Mais notre amour ?
    – Il a toujours été là, Élise, et il est
toujours présent. Avec toi, j’avais le sentiment de tromper Suzanne, et avec
Suzanne, de te tromper. Je l’ai quittée des dizaines de fois, mais je revenais
toujours. J’ai voulu te quitter des dizaines de fois, mais je suis toujours
revenu. Une folie qui vient de me rattraper. Au moins, maintenant, je ne suis
plus forcé de mentir. Je pourrai te regarder… Mais qu’est-ce que tu fais ?
    Élise s’était levée et avait pris une valise,
qu’elle emplit de ses effets. Elle en avait déjà une de prête pour la noce.
Côme ne broncha pas, sanglotant toujours aussi fort. Elle descendit à la
voiture, qui empestait la fumée, en baissa toutes les vitres, et retourna
chercher tous ses effets et ceux de ses filles. Les petites ne se réveillèrent
même pas lorsqu’elle les installa sur la banquette. À peine gémirent-elles.
Elle tourna la clef dans le contact et alluma les phares. Côme était debout
devant la voiture, affolant. Elle étouffa un cri de surprise et recula. Il
s’approcha de sa vitre et frappa dedans.
    – J’ai encore quelque chose à te dire,
Élise. J’ai encore à me faire pardonner ma folie.
    Elle fit non de la tête et un signe de la
main.
    – J’ai couché avec ta sœur… Le
savais-tu ? Je suis le père du petit que tu voulais qu’on adopte… T’en
étais-tu doutée ? Reste, Élise ! Reste, que je te dise pourquoi je
t’aime tant ! Je veux essayer de comprendre mes trahisons… Ne m’abandonne
pas ! Élise, ma douce, que j’ai écorchée…
     
    * * *
     
    Un mince ruban rouge à l’horizon tentait de
repousser la nuit lorsque Élise reprit la route. Elle s’était immobilisée à une
halte routière, effrayée par son attitude. Elle aurait dû pleurer ou crier,
mais elle n’en faisait rien, toujours de glace. Côme avait signé son arrêt de
mort. Quant à Micheline, elle ne savait qu’en penser. Tous ces mensonges,
toutes ces cachotteries, et elle, l’imbécile, prête à adopter leur
enfant ! Comment Micheline avait-elle pu se moquer d’elle aussi
méchamment ? Ce n’est qu’en pensant à sa sœur qu’elle essuya une larme
furtive qui lui chatouillait une narine. Il lui paraissait aussi difficile de
détester les gens qu’elle aimait que d’aimer les gens qu’elle détestait.
Ah ! Micheline et son obsession du plaisir au détriment des principes, au
détriment de la morale et du bonheur des autres ! Elle la méprisa
profondément. Côme avait vu mourir deux femmes la même nuit, toutes les deux
piétinées.
    Le soleil illuminait les édifices de Montréal
lorsqu’elle franchit le pont Jacques-Cartier. Ne sachant où aller, elle se gara
dans la rue Ontario et attendit que les petites se réveillent. Elles y mirent
près d’une heure et elles pleurèrent en duo, affolées de se retrouver dans la
voiture. Élise les installa dans un restaurant et les fit manger. Leur bonne
humeur revint rapidement. Elle les laissa ensuite se dégourdir les jambes. Les
gens ayant toujours énormément de tolérance envers des

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