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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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l’année
précédente, elle n’était guère rassurée.
    – Et j’aime trop Dieu pour souhaiter
qu’Il ait son âme.
    Micheline, aussi inquiète que sa sœur,
s’empressa de l’absoudre.
    – C’est permis, puisque vous n’êtes plus
prêtre. Et son « Bébé Doc » ?
    – On verra. C’est un gros bébé gâté qui
s’appuie aussi sur la loi militaire…
    – C’est gai ! Père gâteux, fils
gâté…
    – On verra.
    Élise regarda alors sa mère, qui lui fit un
sourire si confiant et bon enfant qu’elle en frissonna.
    – Il faut pas exagérer. On s’en va pas
vivre à la mission ni dans la brousse. On va être des retraités logés à
l’hôtel. Napoléon et moi, on va aider à la mission. Napoléon pourra être homme
à tout faire, et moi, infirmière. Et quand on va avoir soixante-dix ans, on
verra…
    Les petites grandiraient loin des yeux bleus
de leur mamie, et éloignées de leur papi si Marcel mettait son projet à
exécution. Élise sourit à sa sœur.
    – J’irai à la maison, maman. De toute
façon, j’y serais allée pour aider. Si personne n’y voit d’objection,
j’aimerais avoir le train électrique et le fauteuil de papa. J’aimerais aussi
avoir les accessoires de ses noces, ses boutons de manchette et les autres
affaires que tu m’avais montrées, maman. C’est O. K., Micheline ?
    – Pas de problème. J’aime pas ça, moi,
m’encombrer de vieilles affaires.
    – Moi, oui… Regardez votre mère, il y en
a qui diraient que c’est une vieille personne de soixante-quatre ans, mais
laissez-moi vous dire que ça, c’est le décor. Si vous pouviez voir la pièce et
vous promener dans la coulisse…
    Blanche aurait ri si elle avait pu le faire.
Mais Élise ne releva pas l’humour de Napoléon.
    – J’aimerais aussi prendre ses vieux
horaires des Chemins de fer nationaux, puis d’autres bricoles, comme sa vieille
lampe à huile. Oh !… et les petits menus pour enfants que vous aviez
gardés dans une boîte au sous-sol.
    –  Coudon , Élise, veux-tu faire un
musée Lauzé ?
    – Non… Je veux des souvenirs pour pouvoir
en parler avec mes filles. Qu’elles le connaissent. Qu’on joue au train avec de
vrais horaires. Et je prendrais bien ta robe de mariage, maman, si Micheline en
veut pas.
    – Prends-la. Le mariage, ma chère, ça me
concerne uniquement pour aller à la noce et offrir un cadeau. Je serai jamais
au pied de l’autel, sauf en demoiselle d’honneur.
    – Puisque tu en parles, Micheline,
j’aurais besoin de deux filles d’honneur…
    – Maman, vous allez pas vous marier tout
de suite comme ça !
    Élise avait presque bondi sur ses pieds. Tout
ce qu’ils racontaient depuis le début de la soirée lui semblait si irréel. Mais
si sa mère mettait une date à leur projet de mariage, une nouvelle vie les
habiterait tous.
    – À mon âge, c’est pas nécessaire
d’attendre trop longtemps, Élise. Et puis, même si c’est difficile à
comprendre, Napoléon et moi, on a hâte de se faire appeler monsieur et madame
Frigon.
    Élise alla à la chambre de ses filles,
arborant un sourire un peu forcé, puis revint les trouver.
    – Élise, merde ! C’est quoi l’idée
de gâcher leur fun ? Tu t’inquiétais pour maman, et maintenant c’est
Napoléon qui va le faire.
    – Avec bonheur… Tu vas pouvoir dormir sur
tes deux oreilles, Élise, parce que ta mère n’aura jamais été autant aimée.
    Élise accueillit cette promesse comme une
profanation de l’amour de son père. Qui était-il, ce père Frigon, pour que sa
mère ne le gifle pas ? Qu’était-elle devenue pour que l’amour de son mari
soit ainsi effacé ?
    – Ah non ! Mais qu’est-ce que vous
en savez, vous ?
    – Élise, ma ch…
    – Vous l’avez aimée quand vous aviez pas
encore vingt-cinq ans, vous la retrouvez au maudit baptême de mes filles, puis
vous décrétez qu’il y a personne qui l’a aimée autant que vous ! Vous me
faites rire !
    – C’est pas évident qu’il te fait rire,
Élise… Calme-toi…
    – Pour une fois que c’est pas moi la plus
calme, Micheline !
    – Où étiez-vous quand la mâchoire du
train l’a empalé ?
    – Je sais, Élise, que je n’étais pas là…
Je…
    – Moi, j’y étais ! J’y étais et je
retourne souvent le long de la voie ferrée, cauchemar après cauchemar… Je fais
encore des cauchemars, maman. Je vais avoir trente-deux ans et ça fait seize
ans… La moitié de ma vie en cauchemars ! Je

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