Labyrinthe

d'eau bouillait au-dessus d'un petit feu bâti au centre de la pièce. Dans un coin se dressaient une table, deux chaises et un banc.
    Une lourde tenture ménageait l'espace où Esclarmonde donnait ses consultations. En l'absence de patients, elle était relevée, laissant apparaître quantité de récipients en terre crue, alignés sur de longues étagères. Des bouquets d'herbes et de fleurs séchées pendaient du plafond. Sur une table était posée une lanterne, ainsi qu'un mortier et un pilon de granit semblables à ceux qu'Esclarmonde avait offerts à Alaïs en cadeau de mariage.
    Une échelle se hissait jusqu'à une rochelle faisant office de chambre à coucher pour la grand-mère et son petit-fils. Sajhë s'y trouvait, justement, et, reconnaissant Alaïs, poussa un cri de joie. Glissant le long des barreaux, il se précipita sur la jeune femme et lui entoura la taille de ses bras. Puis, sans plus attendre, il se lança dans la narration de tout ce qu'il avait fait, vu et entendu depuis la dernière fois qu'ils s'étaient rencontrés.
    Sajhë avait la faconde du conteur. Ses propos étaient pleins de verve et de détails colorés. Une lueur passionnée pétillait au fond de sa prunelle ambrée.
    « Je voudrais que tu ailles porter un ou deux messages pour moi, manhac , intervint Esclarmonde, estimant qu'il avait assez jasé. Dame Alaïs pardonnera ton absence. »
    Le garçon s'apprêtait à élever une objection, quand l'expression sévère de sa grand-mère l'en dissuada.
    « Tu n'en as point pour longtemps. »
    Alaïs lui ébouriffa les cheveux.
    « Tu es bon observateur, n'est-ce pas, Sajhë ? Et très à l'aise avec les mots. Peut-être seras-tu poète quand tu seras grand ?
    — C'est chevalier que je voudrais être, dame. Je veux combattre.
    — Sajhë, intervint encore sa grand-mère d'un ton autoritaire. Ois-moi, à présent. »
    Elle lui donna les noms des personnes chez qui il devait se rendre pour annoncer la venue d'Albi de deux parfaits au bourg de Sant-Miquel, dans les trois jours à venir.
    « Es-tu certain d'avoir bien compris le message ? Bien. Et souviens-toi, ajouta-t-elle en posant un baiser sur le front de l'enfant. Seulement à ceux dont je t'ai donné le nom. Plus tôt tu seras départi, plus tôt tu seras revenu pour raconter tes histoires à dame Alaïs.
    — Craignez-vous une indiscrétion ? s'enquit cette dernière, alors qu'Esclarmonde refermait la porte.
    — Sajhë est un enfant sensé. Il sait qu'il ne doit parler qu'aux personnes à qui le message est destiné. » Elle alla à la fenêtre refermer les croisées. « Quelqu'un est-il au courant de votre présence ici ?
    — Seulement François. C'est lui qui m'a appris votre retour.
    Une étrange lueur apparut dans les yeux d'Esclarmonde, qui n'émit toutefois aucun commentaire.
    « Cela vaut mieux ainsi, è.  »
    Elle prit place à la table en invitant Alaïs à se joindre à elle.
    « À présent, dites-moi, Alaïs, votre voyage à Besièrs a-t-il été couronné de succès ?
    — Vous êtes donc au fait…, rougit la jeune femme.
    — Toute la ville de Carcassona l'est. Les bavardages sont allés bon train. » Son visage devint grave. « J'étais très inquiète en apprenant, peu après mon retour, l'agression dont vous fûtes victime au château.
    — Vous savez cela, aussi ? Comme vous ne m'aviez point envoyé de mot, je vous pensais partie.
    — Loin s'en faut. Je suis venue au château le jour même où l'on vous a retrouvée, mais le même François m'en a interdit l'entrée. Conformément aux ordres de votre sœur, nul ne pouvait vous voir sans sa permission.
    — Il ne m'a rien dit de tel, s'étonna Alaïs, troublée par l'excessive attention dont elle avait fait l'objet. Non plus qu'Oriane, d'ailleurs, quoique cela me surprenne moins.
    — Comment cela ?
    — Elle n'a cessé d'épier mes faits et gestes sous couleur d'affection. Pardonnez-moi de ne m'être point confiée à vous, Esclarmonde, mais le peu de temps dont je disposais entre ma décision et sa mise en application ne me le permettait point. »
    La femme écarta les excuses d'un geste.
    « Laissez-moi vous relater ce qui est advenu en votre absence : quelques jours après votre départ du château, un homme est survenu en demandant à voir Raoul.
    — Qui est Raoul ?
    — Le garçon qui vous a trouvée inanimée dans le verger. » Esclarmonde grimaça un sourire. « Il a acquis une grande notoriété après votre agression. Il s'est