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Labyrinthe

Labyrinthe

Titel: Labyrinthe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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à venir lui parler. L'affection ? Les regrets ? Ou autre chose ?

46
    Siméon leva les yeux vers le ciel. De sombres nuages s'y disputaient la préséance pour obscurcir le soleil. Il avait déjà parcouru une distance appréciable depuis son départ de la Cité, et espérait regagner son logis avant la tourmente qui se préparait.
    Une fois atteinte l'orée du bois qui séparait les plaines de la rivière, il ralentit le pas. Le souffle lui manquait, bien trop vieux qu'il était pour faire pareil périple à pied. Il prit pesamment appui sur son bâton de marcheur et délaça le col de sa tunique. Il n'était plus bien loin maintenant. Esther lui aurait sans doute concocté un repas, peut-être agrémenté d'un peu de vin. Cette pensée le revigora. Qui sait ? Peut-être Pelletier disait-il vrai ? Peut-être qu'au printemps prochain, la guerre serait oubliée…
    Siméon n'entendit pas les deux hommes qui venaient d'apparaître derrière lui, sur le sentier, ni ne vit le bras brandissant une massue au-dessus de sa tête. Il ne sentit qu'un choc, avant d'être emporté par les ténèbres.
     
    Un attroupement s'était formé à la porte Narbonnaise quand Pelletier arriva.
    « Laissez-moi passer ! » tempêta-t-il en bousculant sans ménagement la foule des curieux.
    Un homme se tenait à quatre pattes sur le sol, le sang coulant d'une blessure qu'il avait au front.
    Le dominant de leur hauteur, deux hommes d'armes pointaient leurs piques sur sa nuque. C'était, à n'en pas douter, un ménestrel. Près de lui, son tambourin gisait percé, et son flûtiau brisé en deux, comme un os de poulet.
    « Par le nom de Sant-Foy, que se passe-t-il, céans ? Quel crime a commis cet homme ? éructa l'intendant.
    — Il a refusé d'obtempérer comme il lui a été ordonné, rétorqua le plus ancien des soldats, au visage couvert de cicatrices. Il n'avait nulle autorisation pour entrer. »
    Pelletier s'accroupit près du musicien.
    « Je suis Bertrand Pelletier, intendant du vicomte. Qu'est-ce qui vous amène à Carcassona ? »
    L'homme battit des paupières.
    « Intendant Pelletier ? haleta-t-il en s'agrippant désespérément à lui.
    — Soi-même, parlez, mon ami.
    — Besièrs es presa. Béziers est tombé. »
    Une femme, tout près, poussa un cri et se plaqua la main sur la bouche, épouvantée.
    Profondément ébranlé, Pelletier se releva machinalement.
    « Vous, commanda-t-il. Cherchez des renforts pour vous remplacer, et aidez cet homme à se rendre au château. S'il ne recouvre point la parole à cause de vos mauvais traitements, il vous en cuira. » Puis il harangua la foule. « Entendez bien ce que je dis, vous tous ! Nul ne doit ébruiter ce dont vous venez d'être témoins ! Nous saurons bien assez tôt de quoi il retourne exactement ! »
     
    Arrivé au château, Pelletier ordonna que le musicien fût conduit aux cuisines pour y être soigné, pendant qu'il instruirait le vicomte de la terrible nouvelle. Quelque temps plus tard, par les vertus conjuguées du miel et du vin sucré, l'homme était en mesure de monter au donjon.
    Bien qu'affaibli, il avait la maîtrise de ses mouvements. Craignant toutefois que ses jambes ne pussent le soutenir, Pelletier ordonna qu'on lui apportât un siège, afin d'entendre son témoignage dans de bonnes conditions.
    « Dites-nous votre nom, amic .
    — Je m'appelle Pierre de Murviel, messire. »
    Le vicomte était assis au centre, ses conseillers en demi-cercle autour de lui.
    «  Benvenguda , Pierre de Murviel. Vous êtes porteur de nouvelles », me dit-on.
    Le visage exsangue, les mains posées sur les genoux, l'homme s'éclaircit la voix et se mit à parler. Il était originaire de Béziers, quoiqu'il eût passé les dernières années à la cour de Navarre et d'Aragon. Musicien de son état, son art lui venait de nul autre que Raimon de Mirval, le plus su des troubadours du Midi. Sa notoriété lui avait valu une invitation du consul de Béziers. Y voyant une possibilité de revoir sa famille, il avait accepté.
    Il s'exprimait d'une voix si basse, que l'auditoire devait tendre l'oreille pour saisir ses paroles.
    « Parlez-nous de Besièrs, reprit le vicomte. N'omettez aucun détail.
    — L'armée des Français est arrivée au pied des murs de la cité, la veille de la fête de Santa Maria Magdalena, et a dressé aussitôt son campement sur la rive gauche de l'Orb. Tout près, s'étaient rassemblés pèlerins, mercenaires, mendiants et malheureux,

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