Labyrinthe
précipita vers l'escalier pour aller aux nouvelles.
L'intendant poussa la porte massive et pénétra dans la fraîche obscurité des caves, imprégnées des odeurs de tanin auxquelles se mélangeaient, aigrelettes, celles de bière et de vin. Il longea les allées jusqu'au cru qu'il recherchait. Prenant sur une table proche un gobelet de terre, il déboucha précautionneusement un tonnelet.
Dans le couloir, le vacarme était tel que les poils de sa nuque se hérissèrent. Quelqu'un l'appelait. Il reconnut la voix d'Alaïs. Un accident était arrivé. Il reposa sèchement le gobelet.
Pelletier traversa la cave et ouvrit grand la porte.
Alaïs dévalait l'escalier comme si une meute de loups était à ses trousses. Derrière elle, François se hâtait.
À la vue de l'intendant, elle poussa un cri. Elle se jeta dans ses bras et enfouit dans sa poitrine son visage défait. Le contact rassurant de son père lui donna de nouveau envie de pleurer.
« Par le nom de Sant-Foy, que se passe-t-il donc ? Êtes-vous blessée ? Dites-moi… »
Alaïs perçut immédiatement l'inquiétude de l'intendant. Se détachant de lui, elle voulut parler, mais les mots lui restaient dans sa gorge.
« Père, je… »
Le regard intrigué de Pelletier erra un instant sur la mine décomposée et les vêtements souillés de sa fille, puis se tourna vers François, interrogateur.
« C'est en pareil état que j'ai trouvé dame Alaïs, messire.
— Et elle ne vous a rien dit de tout ceci… des raisons de sa détresse ?
— Nenni, messire. Seulement qu'elle voulait vous entretenir sans tarder.
— Fort bien, laissez-nous. Je vous ferai quérir si j'ai besoin de vous. »
Alaïs entendit la porte se refermer, puis sentit sur son épaule la lourde patte de son père qui l'invitait à s'asseoir sur un banc.
« Venez, filha , la rassura-t-il en écartant une mèche de cheveux du visage de sa fille. Ceci ne vous ressemble pas. Expliquez-moi ce qui est advenu. »
La jeune femme tentait de se ressaisir, irritée par le trouble qu'elle suscitait. Acceptant le carré d'étoffe que lui tendait son père, elle essuya ses yeux rougis et ses joues barbouillées de poussière et de larmes.
« Buvez ceci, commanda Pelletier, un gobelet à la main, en faisant craquer le banc sous le poids de sa corpulence. Nous sommes seuls ; François s'en est allé. Cessez vos larmes et dites-moi ce qui vous trouble. Est-ce Guilhem ? A-t-il fait quelque chose qui vous aurait déplu ? Si c'est le cas, je puis vous assurer que…
— Guilhem n'y est pour rien, paire , l'interrompit précipitamment Alaïs. Ni personne, d'ailleurs… »
Elle leva un instant les yeux, puis les baissa piteusement, humiliée de paraître devant son père dans un tel désarroi.
« Mais alors, quoi ? insista Pelletier. Comment puis-je vous aider si vous ne dites rien ? »
Alaïs déglutit péniblement, ne sachant par où commencer tant elle se sentait coupable et mal à l'aise.
Son père lui prit les mains.
« Vous tremblez, Alaïs », reprit-il d'un ton où l'anxiété le disputait à l'affection. Puis, prenant la robe entre le pouce et l'index : « Et regardez l'état de votre vêtement : il est couvert de boue. »
Alaïs sentait combien son père était las, préoccupé. Malgré ses efforts pour n'en rien laisser paraître, l'effondrement de sa fille le déconcertait. Son front se creusait de profonds sillons. Comment n'avait-elle pas remarqué ses tempes grisonnantes ?
« Vous qui, d'ordinaire, avez la langue si bien pendue, j'ignorais que les mots pussent un jour vous manquer, l'encouragea t-il pour la tirer de son mutisme. Vous allez me raconter à quoi rime tout ceci, è ? »
L'affection et la confiance qu'il manifestait touchèrent le cœur d'Alaïs.
« Je crains votre courroux, paire , fût-il grandement justifié. »
Le visage de l'homme se durcit, sans pour autant se départir de son sourire.
« Je promets de ne point vous gourmander. Allons, parlez, Alaïs, je vous ois .
— Quand bien même j'avouerais m'être rendue à la rivière ? »
Pelletier eut un instant d'hésitation, mais reprit d'un ton résolu :
« Quand bien même… »
Faute avouée à moitié pardonnée.
Alaïs croisa sagement ses mains sur ses genoux.
« Ce matin, avant l'aurore, je suis allée à la rivière pour cueillir des plantes médicinales.
— Étiez-vous seule ?
— Oui, seule, répondit-elle en soutenant le regard de son père. Je sais la
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