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Labyrinthe

Labyrinthe

Titel: Labyrinthe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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marque luisante et colorée attirait l'attention, sorte de blessure à l'emplacement du pouce, irrégulière et rosâtre comme une tache de naissance. Le regard d'Alaïs remonta vers le cou.
    Et ses jambes se dérobèrent sous elle.
    Autour d'elle, le paysage ondulait comme une mer houleuse. Ce qu'elle avait pris pour un ruban était en fait une entaille qui partait de l'oreille gauche et traversait la gorge si profondément que la tête était presque séparée du tronc. Des lambeaux de chair verdâtres pendaient autour de la plaie, dont se repaissaient des poissons argentés et des sangsues noires et gonflées.
    Alaïs crut un instant que son cœur allait cesser de battre. Entre stupeur et effroi, son instinct lui dictait de s'éloigner au plus vite du cadavre. Après une brusque volte-face, elle décida de regagner la rive. Ses pieds s'enfonçaient dans la vase, et l'eau qui lui montait jusqu'à la taille faisait de ses jupons un lest qui la tirait vers le fond.
    La rivière lui semblait deux fois plus large, à présent. Mais elle s'obstina, et, au prix de mille efforts, atteignit enfin la berge. Là, une violente nausée la submergea. Le goût du vin, de l'eau douceâtre de la rivière, du pain trop vite avalé, lui souleva le cœur, et la fit régurgiter en longs et douloureux hoquets.
    Sur le ventre, à quatre pattes, elle rampa jusqu'au moment où elle parvint à se réfugier sous un arbre au pied duquel elle s'effondra. Sa bouche avait un goût de fiel, la tête lui tournait, elle devait à l'instant quitter cet endroit. Elle tenta de se lever, mais ses jambes refusaient encore de la porter. Réprimant un cri de désespoir, elle s'essuya la bouche d'une main tremblante et, s'accrochant à une branche, parvint finalement à se mettre debout.
    Que ses jambes pussent enfin la soutenir la galvanisa. Elle décrocha son manteau et, une fois rechaussée, fila vers les bois comme une dératée, en oubliant sur place le fruit de sa récolte.
     
    La chaleur s'abattit sur elle quand, surgissant de la fraîcheur des frondaisons, elle atteignit les marais. Un soleil railleur lui picotait la nuque et les joues. Alaïs traversa en courant le paysage inhospitalier, trébuchant sur les cailloux, entourée par les nuées d'insectes des eaux stagnantes de part et d'autre du sentier.
    Ses jambes recrues, le feu qui lui dévorait l'intérieur de la poitrine l'exhortaient de s'arrêter, mais elle poursuivit sa course, sans autre pensée que de fuir au plus loin sa macabre découverte et de trouver refuge auprès de son père.
    Au lieu de reprendre le même chemin et risquer de trouver porte close, Alaïs emprunta celui du bourg Sant-Vincens et de la porte de Rodez, laquelle accédait aux faubourgs de Carcassonne.
    Les rues étaient tellement encombrées qu'elle dut jouer des coudes pour pouvoir avancer. Plus elle s'approchait de la Cité, plus le tumulte lui semblait insupportable, presque assourdissant. Pour ne pas l'entendre, Alaïs concentra ses pensées sur la porte qu'elle voulait atteindre, en priant le ciel que ses forces ne la trahiraient pas.
    Une femme lui tapota l'épaule.
    « Couvrez-vous, dame », lui dit-elle d'une voix aimable mais lointaine.
    Consciente de ses cheveux épars, Alaïs jeta son manteau sur ses épaules et, d'une main frémissante, se couvrit de son capuchon. Tout en poursuivant son chemin, elle serra les pans de son vêtement, afin de soustraire à la vue du petit peuple les taches de vomissures, d'herbe et de boue qui souillaient sa robe détrempée.
    Alentour ce n'était que cris et bousculades. Se sentant défaillir, elle alla un instant s'adosser à un mur. À la porte de Rodez, les gardes accordaient le passage aux entrants d'un signe de tête muet, mais refusaient l'accès aux vagabonds, mendiants, Juifs et autres bohémiens sans qu'ils eussent préalablement justifié de leur venue. Ils fouillaient sans ménagement le baluchon de l'infortuné, jusqu'au moment où un flacon de vin ou une pièce de monnaie détournait leur zèle vers la prochaine victime.
    Alaïs passa sans encombre.
    Les rues étroites de la Cité grouillaient d'une presse où se croisaient colporteurs et marchands, soldats et maréchaux-ferrants, jongleurs et prédicateurs, ainsi que les femmes des consuls accompagnées de leurs servantes. Craignant d'être reconnue, Alaïs demeurait tête baissée, comme si elle bravait le glacial vent du Nord.
    Finalement, apparut la silhouette familière de la tour du Major, puis la tour

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