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Labyrinthe

Labyrinthe

Titel: Labyrinthe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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Alaïs scruta l'alentour, au cas où s'y seraient trouvées d'autres plantes dont elle aurait l'usage. Non loin, en amont, elle aperçut des consoudes, reconnaissables à leurs feuilles épaisses et velues, et leur tige florilège aux clochettes roses et violettes. La consoude officinale était réputée favoriser la cicatrisation de la peau et la réduction des fractures. Repoussant son petit déjeuner à plus tard, Alaïs reprit ses outils et se remit à l'œuvre, ne cessant que lorsque son panièr fut plein, et qu'elle eut épuisé sa provision de bandelettes.
    Son panier rapporté sur la berge, elle alla s'adosser à un arbre, jambes étirées. La douleur qu'elle ressentait aux mains, aux épaules et aux reins était anodine comparée au plaisir de l'ouvrage accompli. En guise de récompense, elle déboucha le flacon de vin et en avala une lampée avec un tressaillement de plaisir. Puis, déballant son pain, elle en brisa un morceau qu'elle mordit à pleines dents. Cela avait un goût tout à la fois de blé, de sel, de vase et d'herbe sèche. Affamée comme elle l'était, ce croûton de pain constituait le repas le plus délectable qu'elle eût jamais savouré.
    Le ciel se teintait du bleu des myosotis quand Alaïs se dit qu'elle aurait dû rentrer depuis déjà longtemps. Alors que le souffle du vent lui caressait la peau, qu'elle regardait les reflets matinaux du soleil danser sur les eaux, elle conçut néanmoins quelque réticence à retrouver le brouhaha de la Cité et l'incessant va-et-vient qui régnait au château. Un instant de répit ne pouvait nuire. Elle s'étendit sur l'herbe et ferma les paupières.
     
    Le cri strident d'un oiseau proche l'éveilla brusquement.
    Alaïs se mit promptement sur son séant. Ses yeux scrutaient les frondaisons sans qu'elle parvînt à se rappeler l'endroit où elle se trouvait. Puis les souvenirs affluèrent.
    Affolée, elle se leva d'un bond. Le soleil escaladait un ciel absent de tout nuage. Elle s'était trop longtemps attardée. Nul doute qu'on la recherchait, à l'heure qu'il était.
    Rangeant en toute hâte ses effets, elle lava sommairement ses outils et aspergea sa cueillette pour lui garder son humidité. Elle s'apprêtait à tourner les talons, quand un objet pris dans les roseaux attira son attention. À première vue, une souche ou un arbre mort. Les paupières plissées en raison du soleil, elle se demandait pourquoi elle ne l'avait pas vu plus tôt.
    Pour une écorce ou un morceau de bois, l'objet se mouvait avec trop de fluidité. Alaïs s'en approcha.
    Ce qui flottait dans les roseaux était en vérité une pièce d'étoffe épaisse, gonflée de poches d'air. Elle hésita, puis la curiosité finit par l'emporter. Retournant dans l'eau, elle pataugea jusqu'au milieu de la rivière, où les eaux étaient plus profondes et le courant plus fort. Plus elle progressait, plus elle avait froid. Les pieds enlisés dans la vase, elle s'efforçait de garder l'équilibre quand le courant venait frapper ses cuisses et ses jupons.
    Arrivée près des roseaux, elle se figea, le cœur battant, paralysée par le triste spectacle qui s'offrait à ses yeux.
    «  Payre sant. Saint père… », murmura-t-elle inconsciemment.
    Un homme flottait sur le ventre, son grand manteau tourbillonnant autour de lui, un manteau de velours brun, richement soutaché de rubans de soie noire et d'un liséré doré. Alaïs déglutit douloureusement. Dans la transparence des eaux, elle distingua une chaîne et un bracelet. La tête, dépourvue de couvre-chef, arborait une épaisse chevelure noire et bouclée, striée de mèches argentées. À son cou, elle crut reconnaître un galon ou un ruban de couleur pourpre.
    Elle se rapprocha encore. L'on aurait dit tout d'abord qu'après s'être égaré dans l'obscurité, l'homme avait chu dans la rivière et s'était noyé. Elle tendit la main pour le toucher, mais l'étrange ballottement de la tête l'en dissuada. Elle inspira longuement, les yeux rivés sur le corps inerte. Elle avait déjà vu un noyé, un pêcheur. Gonflée et distendue, sa peau était de ce bleu pâle un peu mauve, propre aux ecchymoses en train de se résorber. Mais le cadavre qu'elle venait de découvrir était dans un tout autre état.
    L'homme semblait avoir trépassé bien avant d'être tombé dans l'Aude. Ses bras étaient étendus devant lui comme s'il s'apprêtait à nager. Le gauche pivota lentement vers elle sous l'effet du courant. Affleurant à la surface, une

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