Labyrinthe
d'eau vide, posée sur la table de nuit.
Bien fait pour toi.
Roulant sur le côté, elle attrapa sa montre-bracelet.
Onze heures moins le quart.
Elle se laissa retomber sur son oreiller avec un grognement. Elle avait dans la bouche l'amertume d'un cendrier de comptoir et la langue lourde des rémanences du whisky qu'elle avait avalé.
Il me faut de l'aspirine, se dit-elle. Et de l'eau.
Alice tangua jusqu'à la salle de bains. Le miroir lui renvoya une image aussi piteuse que l'état dans lequel elle se trouvait. Son front était un kaléidoscope d'ecchymoses vert, jaune et violet. De larges cernes bleuissaient le contour de ses yeux. Des bribes de rêves lui revenaient en mémoire, faites de bosquets, de givre et de brindilles sèches. Un labyrinthe imprimé sur un morceau d'étoffe ? Elle n'en était pas sûre.
Son voyage de la veille, depuis Foix, demeurait flou. Elle ne pouvait pas même se rappeler les raisons qui l'avaient incitée à se rendre à Toulouse plutôt qu'à Carcassonne, comme elle l'avait initialement prévu. Alice émit un nouveau grognement. Foix, Carcassonne ou Toulouse, il n'était pas question d'aller où que ce fût, avant d'avoir récupéré. Elle s'allongea sur le lit, et attendit que l'aspirine produisît son effet.
Vingt minutes plus tard, elle se sentait encore fragile, mais les élancements de ses orbites s'étaient mués en une douleur diffuse. Elle s'attarda sous la douche jusqu'à ce que la réserve d'eau chaude fût épuisée. Elle pensa à Shelagh et aux autres, se demandant à quoi ils étaient occupés à l'heure présente. D'ordinaire, l'équipe se rendait à huit heures sur le terrain des fouilles et y restait jusqu'à la nuit tombée. Ils ne vivaient que pour cela. Alice imaginait leur désarroi, face à leur inactivité forcée.
Avec pour seul vêtement la minuscule serviette fournie par l'hôtel, Alice consulta sa messagerie : rien, pas le plus petit mot de Shelagh. Si, la veille, elle en avait conçu quelque dépit, ce matin, cet état de fait l'exaspérait. Au cours de leurs dix années d'amitié, Shelagh s'était plus d'une fois cantonnée dans un silence rancunier qui durait parfois des semaines. Alice prit conscience de son ressentiment en songeant que, chaque fois, elle était l'artisan de leur réconciliation.
Cette fois, laisse-lui faire le premier pas.
Dans sa trousse de maquillage, elle alla puiser le fond de teint qu'elle utilisait en de rares occasions, grâce auquel elle masqua le plus gros de ses ecchymoses. Ajoutés à cela un trait d'eye-liner et une trace de rouge à lèvres, et elle retrouva figure humaine. Revêtue de sa jupe et d'un chandail ras de cou, elle plia bagage et descendit régler sa note à la réception, avec l'intention de visiter Toulouse.
À vrai dire, elle se sentait plutôt vaseuse, mais pas assez pour qu'un bol d'air frais et de café bien chaud ne pussent en venir à bout.
Son bagage rangé dans le coffre de sa voiture, Alice décida simplement de se promener au hasard des rues. Le système de climatisation de son véhicule de location laissant à désirer, l'idée consistait à attendre que le thermomètre descendît un peu avant de prendre la route pour Carcassonne.
Déambulant à l'ombre des platanes, devant les vitrines de vêtements et de parfums, elle se sentit redevenir elle-même. Le souvenir de sa conduite de la veille la plongeait dans un certain embarras. Elle avait réagi d'une manière excessive, relevant de la paranoïa. L'idée que quelqu'un pût être à ses trousses lui semblait à présent absurde.
Ses doigts se portèrent sur le numéro de téléphone qu'elle avait dans sa poche. Tu n'as pourtant pas rêvé. Alice repoussa cette pensée. Elle devait se monter « positive », aller de l'avant. Profiter pleinement de son passage à Toulouse.
Elle musa dans les ruelles et les passages de la vieille ville, n'ayant pour seul guide que ses pas. Les façades élaborées de briques roses lui parurent élégantes et discrètes. Les noms des rues, des fontaines et des monuments évoquaient le passé glorieux de la cité : chefs militaires, saints médiévaux, poètes du XVIII e , défenseurs modernes de la liberté, autant de témoins de son noble passé, depuis l'époque romaine jusqu'aux plus récentes heures.
Alice entra dans la cathédrale de Saint-Étienne, partie pour se mettre à l'abri du soleil, partie pour la visiter. Elle appréciait la paisible atmosphère des cathédrales et des églises,
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