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Lacrimae

Titel: Lacrimae Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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le gentil Nicol avait rejoint son Créateur. Une peine, presque inattendue, le submergea.
    Une gentille vie malmenée par le sort, qui n’avait jamais porté tort à quiconque, venait de s’éteindre. Une autre allait basculer, celle de Cécile, dont les réserves d’amour ne pourraient plus se déverser sur le tendre simple. Qui allait-elle houspiller ? Sur qui pourrait-elle maintenant veiller ? Au fond, Nicol avait été son enfançon, et sans doute le serait-il demeuré jusqu’à la fin de sa vie. Héluise, en Druon, comprenait si bien la robuste commère au caractère trempé ! Ce bébé tombé du ciel, la nuit où il avait été abandonné sur le pas de la porte du Chat-Borgne, n’avait jamais été une corvée, ni même un devoir pour Cécile. Il était devenu l’unique réceptacle de ce que la femme possédait en elle de meilleur. Il lui avait permis de dépenser sans compter toutes ses possibilités de tendresse, de bonté, de générosité. Qu’allait devenir Cécile sans Nicol ?

    L’ordre du bailli mit terme à ses sombres pensées.
    — Reprends-toi et explique-toi, mon gars.
    — Ah, seigneur bailli, seigneur bailli… ! Maudit, rat galeux !
    Robert inspira longuement et leur narra la macabre découverte du cadavre de Nicol le simple par un cueilleur de cèpes 1 du village, dans le bois de Gaufeuillu.
    — A-t-il été poignardé dans le dos, comme les autres ? voulut savoir Druon.
    Robert hocha la tête en signe de dénégation et précisa :
    — Non, par l’devant. Et l’a ses deux mains toujours attachées au corps. Et on avait r’couvert sa face de la guenille qu’il avait su’l’dos.
    Réfléchissant tout haut, le bailli s’interrogea :
    — Une méchanceté destinée à un faible d’esprit ? Ils deviennent toujours des souffre-douleur, des victimes de l’aigreur des autres.
    — J’en doute, messire. À l’évidence, Nicol était la cible de plaisanteries et de petits tours. Toutefois, nul dans les parages ne s’en serait pris à sa vie, car les villageois sont convaincus qu’un tel acte leur porterait malheur, sans même évoquer les menaces d’implacable vengeance proférées à maintes reprises par maîtresse Borgne. Tous savent qu’il ne s’agit pas de galéjades et qu’elle les mettrait aussitôt à exécution. De plus, étrangement, ils tiennent à leurs simples, ne serait-ce que pour les brocarder. Pour bon nombre, il y a grand soulagement à voir plus faible et plus malheureux que soi.
    Louis d’Avre le fixait et une ombre avait obscurci le regard très bleu, si semblable à celui du père de Druon. Il lâcha d’un ton monocorde :
    — Vous me plaisez bien, mire. Un compliment que j’ai peu l’occasion de faire. Ma dernière-née, Blanche, une petite mie aussi douce qu’une colombe est… tardive d’esprit. Toutefois, moi vivant, elle ne sera jamais victime de mauvaiseté. Bien fol qui la peinerait ; il devrait se frotter à moi et je ne ferais pas de quartier 2 dans son cas. Voyez… l’assassin vient de commettre sa plus lourde erreur, si tant est qu’il s’agisse du même. Le meurtre de Charon m’avait rendu inflexible. Celui de Nicol, impitoyable.
    Druon de Brévaux leva le visage vers le grand homme.
    — Vous me plaisez bien, seigneur bailli. Un compliment que j’aimerais offrir plus souvent, l’imita-t-il. Allons apporter un peu de réconfort à maîtresse Cécile.
    En silence, ils reprirent le chemin du village, Robert fermant la marche.
    1 - Le Moyen Âge se méfiait des champignons et on en consommait peu, uniquement ceux que l’on connaissait très bien tels les cèpes et quelques rares autres espèces, pour preuve les rares recettes qui les faisaient intervenir.
    2 - À l’origine « lieu de sûreté », où l’on pouvait se réfugier et avoir la vie sauve.

XXXV
    Château de Saint-Denis-d’Authou, novembre 1306
    I vine d’Authou avait refusé de le recevoir en l’absence de son époux. Jacques Lafleur s’y attendait. Planté au milieu de la petite cour d’honneur que ceinturaient les murs d’un gris sinistre, il avait insisté auprès du serviteur lui ayant transmis son congé. Madré, il en avait appelé à la belle charité de la dame qui ne le voudrait pas forcer à repartir avec des confidences qui lui empoisonnaient l’âme. Lafleur ne savait ce qu’il redoutait le plus : qu’elle l’éconduise sans appel ou que Barbette rentre trop précocement de sa chasse et le découvre en son

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