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Lacrimae

Titel: Lacrimae Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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de la rassurer :
    — Il est plein jour, maîtresse Borgne, que voulez-vous qu’il lui arrive, d’autant qu’il est capable d’assommer un bœuf ?
    Elle le considéra, luttant contre les larmes :
    — Faudrait qu’y ait une maille 1 de méchanceté en lui pour ça, messire. Mais, la coquinerie l’a épargné tout autant qu’l’intelligence. Et voyez-vous, ch’ais pas c’qui est le pis des deux. Y comprendrait même pas qu’on lui veut mal. Y’s’défendrait même pas. (Elle détourna le regard, cachant ses larmes et ajouta dans un souffle :) L’a pas dormi là-haut. Sa paillasse est pas défaite.
    — Il est peut-être parti au tôt matin, avant votre éveil, en tirant ses couvertures.
    Une lueur d’espoir passa sur le visage inquiet. Elle soupira :
    — Ben, y’a une chose que je regretterai pas dans ma vie… que vos pas vous aient m’né à mon auberge. Z’avez belle raison, messire. J’suis une vieille poule niaise qui s’affole au point qu’elle sait plus où s’trouve sa tête et où niche son cul ! Oui-da, y va revenir quand la faim le tenaillera. Ça, y s’fera vilainement frotter les oreilles !

    L’entrée soudaine du bailli lui permit de se reprendre tout à fait. Elle se composa la mine d’une affable commerçante, s’enquit de son éventuelle envie d’un gobelet d’infusion. En dépit de son indéniable importance, de son haut lignage, il la remercia avec une courtoisie qui plut à Druon. Faisant preuve, une fois n’était pas coutume, de discrétion, maîtresse Cécile disparut en cuisine.
    Désignant l’extérieur d’un geste, le seigneur bailli déclara :
    — Belle monture. La vôtre ?
    — Si fait, une jument d’à peine six ans. Fort valeureuse. Elle se nomme Brise.
    Un mince sourire étira les lèvres du bailli qui commenta :
    — Un trait d’humour, je suppose. Allons, monsieur, ne tardons pas. Nous ne voudrions pas chauffer les sangs du seigneur abbé en nous présentant en retard par-devant lui.
    1 - Environ 0,8 grammes.

XXXII
    Abbaye royale de la Sainte-Trinité de Tiron,
 novembre 1306
    F rère Sabin, portier, répondit presque aussitôt aux coups brutaux assénés par le bailli sur un des lourds battants de la porterie principale.
    Le gros moine, qui semblait en permanence affolé et agité, trépignait sur place, débitant en ne s’adressant qu’à Louis d’Avre :
    — Notre père, notre très bon père abbé vous attend… au parloir, bien sûr, au parloir. Me suivez…
    Trottinant autant que l’autorisait son impressionnante bedaine, il les précéda et les poussa presque dans la vaste pièce sombre et glaciale, éclairée avec parcimonie par quelques flambeaux. Deux longues tables flanquées de bancs étaient parsemées de chandeliers dont les bougies n’avaient pas été allumées. Druon songea que cette marque d’économie était destinée à leur indiquer leur peu d’importance, et la volonté de l’abbé que l’entrevue à laquelle il avait fini par se résoudre soit aussi brève que possible.

    Ils s’approchèrent de la chaire sur laquelle s’était installé Constant de Vermalais, en bout de table, et saluèrent bas. Un mouvement sec et rapide de tête leur répondit. Louis d’Avre les présenta, exprima sa vive gratitude pour cet entretien avec une effusion qui surprit Druon venant de cet homme austère. Le regard très bleu de Vermalais ne le lâchait pas. Enfin il déclara d’un ton glacial en désignant un banc :
    — Monsieur d’Avre, mire, asseyez-vous. Je n’ai accepté votre visite qu’en raison du meurtre inacceptable de votre secrétaire. Je me doute de la colère qui doit être vôtre. Je la partage. Je ne sais si ce mercier… Porée, Borée… méritait le supplice qu’on lui infligea. Cependant, à l’évidence, tel n’était pas le cas de mon gentil fils Étienne, ni de votre homme.
    — Justement, seigneur abbé… notre venue a pour espoir d’éclaircir certains points. Votre moine connaissait-il ce mercier Martin Borée, ou mon bon Leonnet Charon ?
    — Certes pas, comment l’aurait-il pu ? Nul ne sort d’entre nos murs, sauf impérieuses raisons, hormis moi ou mon fils tourier, ou afin de se rendre aux poulaillers, aux champs, au verger, que sais-je, bref à proximité de l’enceinte, et rarement seul. Je ne m’explique pas ce que notre doux Étienne, Dieu garde son âme en très grande paix, faisait dans la forêt, au matin juste levé. La dernière fois que l’un de mes fils

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