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Lacrimae

Titel: Lacrimae Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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l’a vu, il se promenait aux abords du vivier, prétextant… une difficulté de souffle ou de digestion… j’ai oublié.
    — Était-il roide lorsque vous le trouvâtes ? intervint Druon.
    — Fort roide, et mes serviteurs laïcs ont dû bagarrer afin de l’allonger sur un des lits de l’infirmerie.
    — Mort depuis de longues heures, donc.
    — L’enquête menée auprès de mes fils laisse apparaître qu’Étienne aurait quitté l’abbaye avant vêpres, le soir précédent. Mais qu’allait-il faire dans cette forêt ! s’emporta le seigneur abbé.
    — La question me hante également, observa Druon. Quant à sa main tranchée, où est-elle passée ? Si je me fie au témoignage de ce jeune Robert, une large tache de sang avait séché dans le dos de votre fils. Nulle souillure alentour, ce qui pourrait indiquer qu’il fut transporté où vous le découvrîtes. Quelle était sa fonction en l’abbaye ?
    Constant de Vermalais détailla le mire en pinçant les lèvres de dédain comme s’il jugeait que sa question relevait de l’outrecuidance. Il sembla hésiter à y répondre, puis :
    — Aucune, Étienne était encore fort jeune. Il s’acquittait de ses tâches de semainier ou de supplet avec fougue. Toutefois, sa ferveur, son dévouement à notre ordre et son goût prononcé pour l’étude le destinaient à devenir un jour discret 1 ou, à tout le moins, officier 2 . Étienne se montrait… infatigable, il ne savait que faire pour contribuer au mieux à la marche de notre monastère. Que de belles idées il avait… Une perte, une tragique perte, conclut le seigneur abbé d’un ton plat.
    Druon ne sentit en son interlocuteur qu’une sorte de froid regret, un constat sans émotion, hormis l’arrogante stupéfaction qu’on ait osé s’en prendre à l’un de ses fils. Il se défendit contre la certitude qu’il ne sortirait rien de cet entretien.
    Louis d’Avre intervint :
    — De belles idées, dites-vous, Monsieur mon père ?
    — Si fait. Ah, quelles magnifiques passions l’habitaient ! Il envoyait des messages dans tout le royaume à la recherche de moyens plus efficaces pour protéger nos manuscrits de leurs ennemis jurés : la moisissure, les insectes, les rongeurs, le dessèchement même. Sa fougue m’avait convaincu de lui permettre d’enrichir notre collection de reliques, à la condition qu’il ne se fasse pas gruger par de vils coquins sans vergogne 3 . Quelle déchéance de vénérer un tibia s’il ne provient pas de saint Antoine 4 mais d’un gueux quelconque !
    — À l’évidence, approuva le bailli. Et donc, frère Étienne…
    — Avait âprement contesté les sommes prohibitives que des vendeurs souhaitaient nous arracher et s’était assuré de la véracité de leurs dires et de l’authenticité des reliques, le coupa l’abbé. Il avait obtenu permission de sortie pour y parvenir.
    — Comment obtient-on une certitude quant à l’authenticité d’une relique ? demanda Druon, une réflexion qui lui valut un regard peu amène de Constant de Vermalais.
    — En s’assurant de la bonne moralité du vendeur, rétorqua l’abbé.
    — Qui peut avoir été dupé lui aussi, en dépit de sa bonne foi, contra le mire. D’autant que les possesseurs, même intègres, de reliques fallacieuses refusent le plus souvent d’admettre qu’ils ont été bernés tels des sots. La fable se propage donc et perdure.
    À la soudaine tension des maxillaires du bailli, Druon comprit sa maladresse. La repartie, acerbe, ne tarda pas :
    — Jeune mire, me traiteriez-vous de benêt ? La prétention des hommes de science ne cessera de m’étonner, ajouta l’orgueilleux Constant de Vermalais.
    — Certes pas, seigneur, avec tout mon respect, se défendit Druon que la conversation lassait. Et donc, frère Étienne avait vérifié la probité des vendeurs ? s’enquit-il, davantage pour effacer sa bévue que par réel intérêt.
    — Oui-da. Et avec grande fermeté. Il a d’ailleurs été aidé par le pieux zèle d’un notaire de Nogent-le-Rotrou. J’insiste sur la ferveur généreuse de cet homme qui a refusé de se faire payer à la raison que veiller sur les transactions pieuses de l’abbaye le remplissait d’allégresse et de reconnaissance. C’est ainsi que nous avons acquis le tibia de saint Antoine, un Saint Clou 5 et une Sainte Larme 6 . Une bouleversante et prestigieuse collection que nous devons à Étienne et à la vigilance obstinée du

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