L'affaire de l'esclave Furcy
Français de
naissance. Le Roi, m’a-t-on dit, vous a honoré du titre de Procureur
général à Bastia, on prétend que vous en êtes revenu, sans
doute que de nouvelles charges vous ont été [illisible] le gage
de l’estime du souverain. Que ne peut-il être instruit de mon
sort ! Que vous êtes mon interprète auprès de lui ! Je serais sûr
alors de rentrer dans mon droit. En attendant une réponse que je demande non à votre bonté
(que je connais bien grande), mais à votre justice, permettez à
un homme dans les fers de la servitude que vous seul pouvez
faire tomber, de vous assurer de sa respectueuse et éternelle
reconnaissance. Furcy Lory C’est cette lettre qu’il enverra deux fois avec sensiblement
les mêmes mots. Son expression témoigne d’un niveau élevé
d’éducation. L’appel au secours est feutré mais bien réel, obstiné. Et il y a des phrases superbes qui ont dû regonfler le cœur
fatigué de Boucher quand il reçut ce mot à Bordeaux, le 25 janvier 1837 : Port Louis, île Maurice
1 er octobre 1836 à Monsieur Gilbert Boucher
Procureur général
À Poitiers Monsieur, Quand on est malheureux on aime à se rappeler des âmes
charitables qui vous ont porté de l’intérêt, on aime à leur
raconter encore ce qu’on éprouve surtout quand on est persuadé qu’on sera écouté, et que la personne à qui l’on s’adresse
est juste, et qu’elle rend justice à qui le mérite, mon début
Monsieur pour tout autre que vous pourrait paraître un peu
flatteur, mais vous me connaissez et me pardonnerez bien sûr,
jamais Monsieur je ne prononce votre nom sans une vive émotion. Celui qui ne veut que la justice et qui a préféré abandonner son avenir peut-être plutôt que de rendre un jugement
inique, celui-là doit être vénéré, aussi Monsieur tant que
j’aurai un souffle de vie je ne cesserai de penser à tout ce que
vous avez fait pour moi, un jour Monsieur tout cela vous sera
rendu non pas par moi, mais par Dieu. Depuis mon arrivée à Maurice, j’ai fait tout pour me procurer à Bourbon les pièces nécessaires à mon procès, on m’a
fait bien des promesses mais personne n’y a tenu, j’ai été
obligé d’envoyer mon neveu pour les chercher, il a feuilleté les
registres et à ceux où devait se trouver mon acte de naissance
manquaient plusieurs feuillets, c’est à vous que j’en appelle, et
que direz-vous de cela ! ... J’étais décidé à aller moi-même à faire un voyage à
Bourbon, mais avant de l’exécuter, j’ai écrit une lettre au Gouverneur de Bourbon pour lui demander protection contre ceuxqui pouvaient ou voudraient me tracasser, mais au contraire je
fus trompé dans mon attente, vous verrez plus bas, Monsieur
la copie de ma lettre et celle de sa réponse, dont j’ai fait
faire une copie collationnée que j’envoie à Mr Godart de
Saponnay. Vous saurez Monsieur que Mr Lory a envoyé sa procuration
à Mr Richemont Des Bassins, vous savez Monsieur que tous
mes malheurs viennent de ce dernier, et que tous les juges
excepté un (Mr Saint Romain) étaient parents de Mr Lory,
moi pauvre malheureux pouvais-je avec tous ces juges obtenir
justice ? Mr. Achille Bédier a écrit de Bourbon à un de ses amis à
Maurice pour lui dire de m’engager à transiger avec Mr Lory,
aucune condition ne m’a été faite, on m’a demandé mes prétentions et je les ai évaluées à cinquante mille francs, je suis
encore à savoir si Mr Lory voudra acquiescer à ma demande.
Voilà où j’en suis depuis mon arrivée ici, je n’ai pas voulu
vous laisser ignorer mon état, persuadé que ça vous fera
plaisir. Mr Eugène Provost m’a dit ici qu’il avait vu mon acte de
naissance sur les registres à Bourbon et vous en a parlé, ainsi,
si vous [illisible] pouvez donner des renseignements à
Mr Godart de Saponnay. Soyez, je vous prie Monsieur, l’interprète de mes sentiments
respectueux auprès de votre famille. Je suis Monsieur avec la plus parfaite considération votre très humble et très obéissant serviteur. Furcy Et voici la copie de la réponse du gouverneur à la demande
de Furcy de se rendre à Bourbon pour retrouver son acte de
naissance. Le Gouverneur de Bourbon prévient le nommé Furcy qu’il
ne peut, dans son propre intérêt, lui accorder l’autorisation de
venir à Bourbon. Son avocat à Paris peut se pourvoir auprès
de Mr Le Procureur Général à la cour de cassation, pour
obtenir toutes les pièces qui lui sont nécessaires, et qui
peuvent
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