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L'affaire de l'esclave Furcy

L'affaire de l'esclave Furcy

Titel: L'affaire de l'esclave Furcy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mohammed Aïssaoui
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être dans les dépôts publics de la colonie. Saint-Denis, île Bourbon, le 17 septembre 1836,
Signé : Cuvillier.

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    Au bout de ma troisième année de recherches, je ne savais
toujours pas ce que Furcy avait pu vivre durant la longue
période qu’il avait passée à Maurice. Me rendre sur l’île sans
information préalable me semblait inutile. J’avais appelé le
conservateur de la bibliothèque du Centre culturel de Port-Louis en lui indiquant quelques éléments, mais il n’avait rien
trouvé. C’est encore Gilbert Boucher qui vint à ma rescousse.
Je suis tombé sur ce brouillon admirable, rédigé fiévreusement,
pratiquement illisible. Il tentait de retracer le parcours et l’existence de Furcy à Maurice. En me concentrant, j’ai réussi à le
lire dans sa presque totalité, des passages restaient indéchiffrables. Le document s’avérait précieux. J’en apprenais énormément. Et d’abord ceci : Furcy avait souvent été battu par Lory,
et souvent violemment. En recherchant des témoignages, et sans doute même en
parlant avec Furcy ou sa sœur, Gilbert Boucher avait pu
recueillir ces informations : On abusait tellement des forces de Furcy que quand il avait
fini le service de la maison après le dîner, on l’envoyait à la
Rivière-des-Pluies, distante de trois lieues, pour chercher desprovisions. Il était si fatigué qu’il crachait du sang. On le
punissait pour des broutilles. Chez monsieur Lory, il était non seulement maître d’hôtel,
mais aussi jardinier. Pour le jardin, Lory exigeait que les couleurs contrastent [illisible], et si ça ne lui plaisait pas, il faisait
battre Furcy. Furcy était responsable des autres esclaves, si
l’un d’entre eux était maladroit, on battait et le maladroit et
Furcy lui-même. Il était également chargé de la surveillance
des domestiques, on lui faisait payer la vaisselle cassée. Un jour, Furcy a reçu des coups de pied et des coups de
poing. Le chemin qu’il avait emprunté pour aller se soigner
était couvert de sang qui coulait de son nez. [illisible] Mme Lory était furieuse. Un autre jour, Mme Lory était embêtée : pour redoubler un
vêtement, un couturier lui avait demandé 50 piastres. Furcy
proposa de le faire et le réussit si bien que Mme Lory était si
contente et si enthousiaste qu’elle donna une piastre à Furcy.
Mais, très vite, elle le lui reprocha si souvent, affirmant qu’il
ne le méritait pas, que l’esclave finit par remettre son piastre.
Alors monsieur Lory tomba sur lui et l’accabla de coups. Dans ses lettres, Furcy ne fait jamais allusion à ces violences quotidiennes, ni à ces humiliations.

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    Pendant six ans, il a travaillé la moitié de l’année à la récolte,
et l’autre moitié, on l’envoyait s’occuper des cinq grandes
chaudières où l’on faisait bouillir le sucre. C’était l’activité la
plus pénible, l’air y était suffocant, la chaleur insupportable,
des poussières fines collaient au corps. Furcy échappa à ce régime en 1824, quand un cyclone
détruisit la sucrerie. Ce n’était pas forcément mieux, durant
toute cette année, il devint maçon puis charpentier pour reconstruire un bâtiment encore plus grand que celui qui avait été
emporté. Il retourna à la plantation jusqu’en 1828. Physiquement, c’était évidemment rude, Furcy vieillissait à vue d’œil.
Surtout, on cherchait à l’humilier en permanence, on lui rappelait son action auprès du tribunal, on lui faisait payer son
audace, si bien que tous les esclaves de l’habitation et des environs connaissaient sa situation... C’était aussi pour montrer
aux autres ce qui pouvait leur arriver si par malheur ils avaient
le même désir de liberté que Furcy. Lui, il ne disait rien. Et
jamais l’idée d’abdiquer ne lui a traversé l’esprit. De même
que l’idée de fuir. Tant de patience peut impressionner, et on peut supposer
que sa foi a dû l’aider. Furcy faisait souvent référence à Dieu.Bien sûr, on songe à La Case de l’oncle Tom et à ce personnage qui traverse le roman avec une Bible, affrontant une suite
de malheurs et de sacrifices jusqu’à sa fin. 1828, c’est l’année où Pierre Lory-Routier dut retourner à
l’île Bourbon. Cette fois, Furcy fut loué au beau-frère, Jacques
Giseur-Routier. Ce dernier n’avait qu’une obsession, rentabiliser sa location ; il fallait que l’esclave rapporte, et vite. Furcy
comprit que Giseur était obnubilé par les affaires, son

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