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L'affaire du pourpoint

L'affaire du pourpoint

Titel: L'affaire du pourpoint Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fiona Buckley
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Je préférais en consacrer le reste à ma fillette.
    — Je m’en vais donc voir les plumes voler, reprit Bone, acceptant la défaite. J’ai fermé boutique pour la journée afin de venir ici, puis d’assister au combat de coqs, c’est pourquoi j’espère gagner.
    Pendant qu’il s’en allait, je songeai que je tenais la clef du mystère. Des dettes de jeu, à coup sûr. Eh bien, Cecil avait su en tirer parti. Si Bone était demeuré dans le droit chemin, sa maîtrise du crochetage n’eût pas atteint cette perfection.
    J’appréciais Cecil en tant qu’homme, néanmoins il avait un côté impitoyable. Il collectionnait les gens pour mettre à profit leurs talents. Au service d’Élisabeth, il utilisait tous les instruments à sa disposition.
    Moi incluse.
     
    Après le départ de Bone, je me hâtai de traverser le palais pour regagner la chambrette que je partageais avec Dale cinq nuits par semaine. Les deux autres, je l’envoyais rejoindre son mari, mon serviteur Roger Brockley. Je ne logeais pas dans le bâtiment où Cecil avait son bureau, et Brockley – mon solide, fidèle et digne Brockley – nous attendait sur le perron pour nous escorter. Il était bien couvert, son grand feutre enfoncé sur les oreilles et le corps emmitouflé dans une cape épaisse, cependant il paraissait frigorifié. Je n’étais pas sûre de son âge, mais d’après ce qu’il m’avait conté sur son passé et à voir les fils argentés mêlés aux cheveux bruns sur ses tempes, il devait avoir une quarantaine d’années. Son grand front intelligent, constellé de pâles taches de rousseur, se plissait un peu comme pour mieux lutter contre les intempéries.
    — Brockley, vous auriez dû vous abriter à l’intérieur, près du feu. Il y a une cheminée en bas, dans la salle des domestiques.
    — Mais alors je vous aurais manquées, madame, répondit-il dans son anglais impeccable, presque guindé en dépit de son accent de la campagne. Or il vous faut une escorte dans ce dédale. Un palais ! On dirait plutôt une ville !
    C’était assez vrai. Comme Sa Majesté se plaisait à le souligner, Whitehall était le plus grand palais royal de toute l’Europe. Un labyrinthe de salles et de galeries, d’escaliers et de cours, de logements, de corps de garde, de dépendances et de jardins ; une route passait au milieu, comme s’il s’agissait d’une petite ville et non d’une résidence. Par temps pluvieux, les courtisans arrivaient souvent trempés pour les repas ou les réunions, alors qu’ils n’avaient pas mis le pied hors de l’enceinte.
    Pour rejoindre mes appartements, nous dûmes traverser deux cours, gravir deux escaliers puis en descendre un autre avant de franchir une voie publique, où Brockley passa devant moi et retint Dale juste à temps. Des cavaliers vêtus de satin, des plumes au chapeau et d’énormes éperons à molette sur leurs bottes, déboulaient dans un bruit de tonnerre.
    — Jolie demeure, où l’on risque de se faire piétiner à l’intérieur des murs ! ironisa Brockley. Au fait, madame, votre… hem !… leçon d’aujourd’hui s’est-elle bien passée ? À ce que m’a dit Fran, j’ai cru comprendre que vous appreniez à forcer les serrures.
    Il s’attachait à conserver un ton neutre. Je souris. Brockley n’approuvait pas les moyens qui me permettaient de me parer comme il seyait à une dame d’honneur, de gâter ma fillette, de les payer, sa femme et lui, et d’entretenir nos chevaux.
    — Fort bien, merci. Il ne me reste qu’à m’exercer et je dispose de tout le nécessaire dans le sac que porte Dale.
    Le regard gris-bleu impassible, il s’enquit :
    — Et quel dessein cela servira-t-il, madame ? Pouvons-nous le savoir ?
    — J’aimerais connaître la réponse, toutefois je ne l’apprendrai qu’en dînant demain chez Sir William et son épouse. En attendant, je dois reprendre au plus vite mon service auprès de la reine.
    Brockley nous laissa au pied de mon escalier et Dale monta derrière moi jusqu’à ma chambre minuscule. Le palais comportait assez de réduits, pratiqués dans l’épaisseur de vieilles murailles ou aménagés en cloisonnant des chambres plus spacieuses, pour que de nombreuses suivantes disposent au moins d’une alcôve. La mienne se trouvait dans une ancienne antichambre, divisée par des tapisseries fanées provenant des appartements royaux. J’avais juste assez de place pour mon lit et celui de Dale, une garde-robe et une

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