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L'affaire du pourpoint

L'affaire du pourpoint

Titel: L'affaire du pourpoint Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fiona Buckley
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car c’est une enfant qui ne m’a infligé aucun mal. Mais vous ? Non, je ne sais que répondre.
    Ou plutôt si, car je n’ai qu’une seule chose à dire. Je vous aime toujours, quoique, Dieu m’en soit témoin, il fût un temps où j’aurais pu vous tuer. Si vous êtes sincère, venez me rejoindre avec Meg. J’habite au château de Blanchepierre, un peu à l’ouest de Saumur, sur la Loire. Je me rends parfois à Paris, mais, le cas échéant, les membres de ma maison vous réserveront un bon accueil, le temps de m’avertir. Ne craignez nulle animosité de leur part, bien qu’ils sachent ce que vous avez fait. Mme Montaigle en a été bouleversée, mais pour peu que je l’ordonne, elle laissera comme moi le passé derrière nous. Répondez-moi dès que vous aurez trouvé un messager. Ou, tout simplement, venez. Oui, après tout, je t’envoie mon amour, ma petite cuiller à sel.
     
    Matthew.
     
    Les larmes me brûlaient les yeux. Dale me demanda de me lever afin qu’elle puisse brosser mes vêtements – un justaucorps de satin crème brodé de croisillons, fauves comme ma robe en damas ouverte à l’avant sur une cotte assortie au corsage. Je me contins et repliai le parchemin, que je cachai dans une poche, dans l’ouverture de ma jupe de dessus.
    — Vite, je dois partir. Oh, Dale !
    — Madame ?
    — Si je vais en France, Brockley et vous viendrez-vous avec moi ?
    — Il faudra poser la question à Brockley, madame, mais… Je ne dirais pas non.
    Dans le miroir, je vis que ses yeux, d’un bleu plus clair que ceux de Kat, brillaient de contentement pour moi. Elle finit sa besogne et recula.
    J’aurais voulu courir sur-le-champ auprès de la reine, lui annoncer que je souhaitais quitter son service et rejoindre mon époux. Évidemment, c’était impossible. Une telle entrevue se devait d’être organisée dans les formes, par le biais de dame Ashley. D’ici là, il me fallait garder mon précieux secret pour moi.
    — Matthew m’avait donné un petit nom, dis-je à Dale d’une voix rauque. À cause de ma langue bien pendue. Il me le rappelle dans sa lettre. Cela éveille tant de souvenirs ! Je crois entendre sa voix lorsqu’il me disait ces mots-là.
    Mes dix minutes étaient écoulées. Je devais composer mon attitude et reprendre bien vite mon service auprès de la reine. Pas question de l’irriter en semblant manquer de zèle ! Sans son consentement, je ne pouvais quitter le pays ni emmener ma fille. J’avais besoin de sa faveur.
     
    Comme toujours après une réunion du Conseil, Élisabeth s’était retirée dans ses appartements pour traiter les affaires qui venaient d’être abordées. En tant que dame de la salle du trône, j’occupais une position privilégiée, néanmoins je n’appartenais pas aux dames de haut rang admises dans la Chambre privée. Je n’en franchissais la porte que lorsque j’y étais invitée. Aussi me mêlai-je simplement à la foule qui attendait la reine dans l’antichambre.
    J’arrivai juste à temps. À peine avais-je pris place que la porte s’ouvrit, les trompettes lancèrent leur fanfare et Élisabeth sortit, majestueuse, au milieu de ses dames et de ses favoris. À ses côtés, Sir Robin Dudley était splendide en pourpoint rouge à crevés azur rebrodés d’or, sa beauté de bohémien soulignée par une barbe taillée d’une main experte. Élisabeth lui disait quelque chose d’une voix rieuse.
    En cet an de grâce 1561, j’étais jeune encore et elle aussi, car nous étions proches par l’âge. Je l’ai vue changer au fil du temps, mais une chose ne s’est jamais altérée le moins du monde, même pour son entourage familier : l’impression extraordinaire qu’elle produit dès qu’elle paraît.
    Cependant, l’effet n’est pas toujours semblable. Son humeur la précède telle la proue d’un navire – et son humeur varie. Pas moyen de savoir d’avance quelle Élisabeth va fondre sur vous. Elle peut être la majesté même ou la fureur incarnée, toute de gaieté, de mélancolie ou de malice.
    Ce fut la malice, cette fois-ci. Je vis aussitôt que ma souveraine était d’humeur aussi joueuse – et cruelle – qu’un chat prêt à bondir sur tout ce qui bouge, que ce soit une souris, un bout de ficelle ou une main imprudente, pour y planter ses griffes. Ses yeux étincelaient dans son visage pâle, dont la forme en triangle m’évoquait celle d’un bouclier ; même les perles ornant ses cheveux et les broderies

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