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L'affaire du pourpoint

L'affaire du pourpoint

Titel: L'affaire du pourpoint Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fiona Buckley
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CHAPITRE PREMIER

Secrets
     
    — Doucement, maintenant, doucement. Voilà, prenons notre temps. Rien de brutal, tout en doigté et en délicatesse. Voyons – on ne saurait mieux dire – du bout des doigts. Aaah ! Quel délice ! s’exclama messire Alexander Bone, les yeux clos, un air de ravissement sur son visage plissé.
    Ses mouvements n’étaient que finesse, ses mains sensibles, vigilantes telle une oreille tendue en dépit des taches brunes et des veines saillantes qui trahissaient la vieillesse et l’usure. Toute la personne d’Alexander Bone portait le poids des ans. Sa robe de laine grise, souillée de traces de nourriture, était raccommodée en plusieurs endroits et les cheveux gris terne qui pendaient derrière ses oreilles avaient grand besoin d’être coupés. Il sentait le rance. Je n’aimais pas l’approcher de trop près. Ce n’était pas la première fois que je me demandais ce que je faisais là, aux côtés de messire Bone ou de ses pareils. J’aurais tant préféré être ailleurs. Auprès d’un autre.
    Au léger déclic qui résonna à l’intérieur de la cassette d’étain entre ses mains, il ouvrit les yeux. Avec soin, il retira le fil métallique par lequel il avait crocheté la serrure, puis il souleva le couvercle bombé.
    — Et voilà, dame Blanchard ! Quoi de plus simple ? Il n’y aura plus qu’à la refermer comme si de rien n’était, dit-il, joignant le geste à la parole.
    Messire Bone m’adressa un demi-sourire et me tendit le crochet de métal.
    — Essayez encore. Rappelez-vous : allez lentement, à tâtons. Puisque vous ne pouvez voir le mécanisme, fermez les yeux. Fiez-vous à vos doigts. Ils formeront des images dans votre tête si vous les laissez faire. Quand le crochet trouvera le ressort, ils le sauront. À ce moment précis, poussez vers le côté. Au début, vous sentirez une résistance. Appuyez avec fermeté, sans brusquer.
    Février déployait sa froidure. De l’autre côté de la fenêtre, la Tamise coulait, morose, sous un ciel de plomb. Dans la petite pièce adjacente au bureau de Sir William Cecil à Whitehall, où les portes étaient calfeutrées par d’épais rideaux, l’atmosphère était confinée sans que l’on ait plus chaud pour autant. Ma femme de chambre, Fran Dale, assise dans un coin, portait des mitaines. Mes doigts gourds se mouvaient avec lenteur. Je m’interrompis pour me frotter les mains avant d’insérer le fil dans la serrure en espérant que, cette fois-ci, elle voudrait bien s’ouvrir.
    Il eût été intéressant, pensai-je, de savoir où diable le très honorable Sir William Cecil, secrétaire d’État de la reine Élisabeth, avait déniché Alexander Bone. À l’évidence, ce dernier possédait une certaine instruction et une grande expérience de serrurier. D’après Cecil, il tenait boutique près du pont de Londres, pourtant ses compétences en matière de crochetage suggéraient fort des accointances inavouables. Plus je connaissais Cecil, plus je lui découvrais des contacts dans des lieux étranges entre tous, acquis au fil des ans comme un fermier prévoyant se dote d’outils – sans mépriser les articles de troisième main, qu’il répare et polit en vue d’un futur usage.
    Je n’imaginais pas qu’un homme aussi habile qu’Alexander Bone eût pu échouer dans les bas-fonds, toujours est-il qu’on lui avait tendu la perche afin de le hisser dans le monde de la vertu. En contrepartie, il enseignait aux agents de Cecil, dont le réseau allait grandissant, l’art d’accéder à la correspondance des conspirateurs présumés.
    À coup sûr, certains auraient volontiers mis un terme à notre paix protestante pour revenir au temps où tous devaient être catholiques ou endurer une fin atroce. Ceux-là restaient convaincus qu’Élisabeth n’étant pas légitime, le trône revenait à Marie Stuart, reine d’Écosse – et de France jusqu’à la mort récente de son époux. Et certain gentilhomme, dans son désir d’épouser Élisabeth, n’eût pas répugné à livrer le sol anglais à une armée étrangère qui le soutînt, si d’aventure le peuple se soulevait contre une telle union.
    Cette idée me fit presque lâcher prise tant elle m’indignait. J’oubliai un instant que s’il n’avait tenu qu’à moi, j’eusse été loin d’ici, en compagnie de mon mari, laissant les affaires de l’État et la sécurité de la reine à des hommes comme Cecil, à qui le soin de telles

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