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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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avoir salué le Père Marie, trouva une voiture sous le porche. La neige commençait à tomber en nuées verticales transformant peu à peu la boue des rues en une fange clapotante où les passants s'éclaboussaient. Son équipage croisa la nuée noire des suppôts de justice s'acheminant vers le Châtelet et le Palais. Leur comique procession, mélange de rabats, de robes, de sacs à dossiers, patinait, toute troussée, sur le sol glissant, suivie de la foule des plaideurs dont la clameur montait jusqu'aux derniers étages des maisons. Çà et là des gagne-deniers portaient, juchées sur leurs épaules, des bourgeoises effrayées pour leur faire traverser d'immondes voies débordantes. Un ouvrier soutenant sur son dos un immense miroir ovale faillit tomber, il trébucha et pivota sur lui-même ; Nicolas vit l'image de sa voiture se refléter en oscillant sur la surface polie.
    Il n'avait pas fallu beaucoup de temps pour que l'affaire le reprenne tout entier. Elle se compliquait à un point tel qu'il devenait impossible de traiter chaque élément en lui-même. Tous se reliaient en une trame tissée par le crime et la dissimulation. Que découvrirait-on dans la Seine, si on trouvait jamais quelque chose ? Que signifiait cette lettre au style excentrique de préciosité éculée ? Ses phrases contournées exprimaient-elles véritablement les sentiments – les derniers – de sa maîtresse à son égard, ou bien... Il n'osait formuler les folles hypothèses qui lui passaient dans la tête. Et cet inconnu donneur de conseils à Casimir, pourquoi celui-ci, pourtant éloquent sur d'autres points, en taisait-il si obstinément l'identité, au risque d'aggraver les présomptions qui pesaient sur lui et qui pourraient bien l'envoyer à l'échafaud ?

    Rue Neuve-Saint-Augustin, il fut, comme à l'accoutumée, introduit sans délai dans le bureau du lieutenant général de police. M. de Sartine écrivait. Un feu d'enfer ronflait dans la cheminée, témoignant de la frilosité du magistrat. Tout à sa correspondance, celui-ci ne leva la tête qu'au bout de quelques minutes. Nicolas observa que la matinée, déjà bien entamée, avait chassé l'heure de la présentation des perruques. Il regretta que le temps lui ait manqué de rapporter à son chef quelque spécimen nouveau, un de ceux qu'il avait admirés dans cette splendide boutique visitée en un éclair lors de son séjour à Londres. Un regard se posa sur lui.
    — Monsieur, dit Sartine, nous sommes satisfaits de vous, et encore davantage de vous retrouver sauf, car peut-être avez-vous mesuré combien il est difficile de se plonger dans les affaires secrètes. Vous avez l'air songeur ?
    Le «  Monsieur  » n'était pas agressif, ni annonciateur de sarcasmes, mais plein d'une affection contenue.
    — À vous dire la vérité, monseigneur, répondit Nicolas, je regrettais d'avoir traversé une boutique de perruquier à Londres et que les affaires du roi ne m'eussent pas laissé le loisir d'en choisir une pour votre collection.
    L'œil du lieutenant général de police se plissa d'ironie.
    — Serviteur, monsieur ! La seule pensée de votre délicatesse m'emplit de reconnaissance. Donnez-moi l'adresse et M. de Guines, notre ambassadeur, y pourvoira.
    — Hélas, les affaires que vous évoquiez...
    — Ne vous ont pas laissé le temps de la relever. Le chevalier d'Éon la retrouvera. Contez-moi plutôt par le menu vos aventures.
    M. de Sartine manifestait une telle bonne humeur qu'elle encouragea Nicolas à se lancer dans un récit vivant, coloré, et ragoûtant 37 à plaisir. Il savait rendre compte avec les mots appropriés ; c'était là-dessus qu'il avait joué sa carrière, un jour de 1761, dans les petits appartements à Versailles devant le roi et Mme de Pompadour. Il y excellait toujours et la mémoire de ce premier jour fondait l'appréciation du souverain sur « le petit Ranreuil ». Devait-il ce talent aux veillées de son enfance en Bretagne, où un vieux diseur au coin du feu fascinait un auditoire gavé de crêpes et de cidre ? Sartine l'écouta, le menton dans un poing, attentif et patient.
    — Mon seul regret, conclut Nicolas, c'est d'avoir échoué avec Morande.
    — Ne vous plaignez pas, mon cher, vous avez échappé à la mort. Les dangers dans notre métier se ramassent avec plus de facilité que les succès flatteurs. Vous ignorez d'ailleurs le meilleur : Morande a finalement cédé.
    — Comment cela ?
    — Oui, un

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