L'âme de la France
Versailles a fixées.
On veut croire qu'en construisant une ligne fortifiée (la ligne Maginot, du nom du ministre de la Guerre), comme le souhaite Pétain, on se protégera de l'invasion.
On imagine qu'en s'alliant avec les nouveaux États de l'Europe orientale (Pologne, Tchécoslovaquie, Yougoslavie), on contraindra l'Allemagne « cernée » à une politique pacifique.
Mais on sait aussi que la France s'est affaiblie. Moins de naissances. Aristide Briand confie : « Je fais la politique étrangère de notre natalité. »
On sait que le franc s'est effondré, que l'inflation ronge la richesse nationale, que les prix ont été multipliés par sept entre 1914 et 1928. Les rentiers et les salariés sont les victimes de cette érosion. Et le rétablissement de la stabilité monétaire entre 1926 et 1929 – le « franc Poincaré » – n'est qu'un répit.
On ne respecte pas les politiciens qui occupent à tour de rôle, comme au manège, les postes ministériels, et dont on sent bien qu'ils sont incapables d'affronter la réalité.
Les radicaux-socialistes sont de toutes les combinaisons. Le Cartel des gauches issu des élections de 1924 ne dure que deux années, et Herriot, le leader radical qui dit s'être heurté au « mur de l'argent », se retrouve dans le même gouvernement que Poincaré...
Les communistes, pour leur part, ont transformé leur parti en machine totalitaire, et leur leader, Maurice Thorez (1900-1964), suivant les directives de Moscou, mène une politique « classe contre classe » dont les premières cibles sont les socialistes. Le parti de Léon Blum est qualifié de « social-fasciste », de « social-flic » !
En fait, la France est divisée entre de grandes masses électorales stables. En 1924, en 1932, en 1936, ce sont quelques centaines de milliers d'électeurs – moins de 5 % du corps électoral – qui se déplacent pour donner une majorité de gauche.
La dépendance accrue de l'exécutif à l'égard des combinaisons parlementaires, la « mobilité » des radicaux qui parlent à gauche mais s'associent souvent avec la droite ou freinent les volontés de réforme, conscients du « conservatisme » de leurs électeurs, empêchent toute politique à longue portée.
Un républicain modéré comme André Tardieu (1876-1945), ancien collaborateur de Clemenceau, qui sera à l'origine de la création des assurances sociales (1928) et des allocations familiales (1932), jauge l'impuissance du système politique : il évoque la « révolution à refaire », mais quittera la vie politique devant l'impossibilité de réformer ce système.
Mais voici que la crise économique de 1929 bouleverse en quelques mois la situation mondiale.
Les hommes politiques français, eux, continuent à s'aveugler.
On célèbre l'empire colonial français lors de l'Exposition coloniale de 1931. On parle d'une France de 100 millions d'habitants au moment même où des troubles nationalistes secouent l'Indochine, où, après la guerre du Rif (1921-1923), la situation au Maroc reste périlleuse, où le nationalisme se manifeste en Algérie et en Tunisie.
Mais c'est surtout la politique de Briand qui vole en éclats.
L'Allemagne, frappée par la crise, ne paie plus les réparations.
Hitler devient chancelier le 30 janvier 1933 et le Reich quitte la Société des Nations, décide de réarmer et de remilitariser la rive gauche du Rhin.
Hitler tente même, en 1934, de s'emparer de l'Autriche (l'Anschluss).
Un front antiallemand se constitue, qui rassemble la France, le Royaume-Uni et l'Italie... fasciste.
Pour quelle politique ?
Quelle confiance peut-on avoir en Mussolini pour défendre les principes de la Société des Nations ?
Le ministre des Affaires étrangères, Barthou, retrouve la tradition de l'alliance franco-russe d'avant 1914. Mais la Russie, c'est l'URSS communiste, et le pacte franco-soviétique suscite l'opposition des adversaires du communisme. Barthou sera assassiné à Marseille en 1934 en même temps que le roi de Yougoslavie. La politique internationale avive ainsi les divisions de la vie politique française.
Contre l'Allemagne, soit ! Mais avec qui ? Mussolini ou Staline ?
Et pourquoi pas l'apaisement avec l'Allemagne nazie ? N'est-ce pas plus favorable aux intérêts français, à « nos valeurs » traditionnelles, que l'entente avec la Russie soviétique ?
Les passions idéologiques déchirent l'âme de la France. Des scandales –
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