L'âme de la France
Stavisky – secouent le monde politique et font se lever une double vague d'antiparlementarisme : celui des ligues – Croix-de-Feu, Jeunesse patriotes, francistes – et celui des communistes.
Lorsque le gouvernement Daladier déplace le préfet de police de Paris – Chiappe –, soupçonné de complicité avec les ligues, celles-ci manifestent, le 6 février 1934.
Journée d'émeute : une dizaine de morts, des centaines de blessés place de la Concorde.
Paris n'avait pas connu une telle violence depuis plusieurs décennies.
Les Croix-de-Feu ne se sont pas lancés à fond dans la bataille. La prudence et la retenue de leur chef, le colonel de La Rocque, ont empêché qu'on jette « les députés à la Seine ».
Le 12 février, les syndicats, les socialistes et les communistes – unis de fait dans la rue – manifestent au cri de « Le fascisme ne passera pas ! ».
On peut craindre que ces affrontements ne conduisent à une situation de guerre de religion ou de guerre civile comme la France en a si souvent connu.
Perspective d'autant plus grave et « classique » que les camps qui s'affrontent affichent aussi des positions radicalement différentes en politique extérieure.
Dès ce mois de février 1934, alors que Hitler passe en revue les troupes allemandes, que Mussolini déclare qu'il faut que l'Italie obtienne en Afrique (en Éthiopie) des récompenses pour sa politique européenne, qu'en Asie le Japon a attaqué la Chine, la République semble être incapable de susciter une nouvelle « union sacrée ».
Où est le parti de la France ? Chacun se réclame de la nation mais regarde vers l'étranger.
Le pouvoir républicain a d'ailleurs cédé devant l'émeute du 6 février.
Daladier a démissionné.
Il est remplacé par Gaston Doumergue (soixante et onze ans) qui a été naguère président de la République. Ce radical-socialiste modéré est entouré de Tardieu et Herriot.
Le ministre de la Guerre est un maréchal populaire parmi les anciens combattants, Philippe Pétain (soixante-dix-huit ans).
Comment ces septuagénaires pourraient-ils unir et galvaniser l'âme de la France blessée, angoissée, repliée sur elle-même ?
De l'autre côté du Rhin, la jeunesse acclame le chancelier Hitler.
Il n'a que quarante-cinq ans.
59.
À partir de 1934, il n'y aura plus de répit pour la France. Durant quelques semaines, au printemps et au début de l'été 1936, l'opinion populaire aura beau se laisser griser par les accordéons des bals du 14 Juillet dans les cours des usines occupées par les ouvriers en grève, ce ne sera qu'une brève illusion.
L'espoir, le rêve, la jouissance des avantages obtenus du gouvernement du Front populaire – congés payés ; quarante heures de travail par semaine, etc. –, seront vite ternis, effacés même, par le déclenchement de la guerre d'Espagne, le 17 juillet 1936, et l'aggravation de la situation internationale.
La France est entrée dans l'avant-guerre.
Mais le pays refuse d'en prendre conscience.
Qui peut accepter, vingt ans seulement après la fin de la Première Guerre mondiale, si présente dans les corps et les mémoires, qu'une nouvelle boucherie recommence à abattre des hommes dont certains sont les survivants de 14-18 ?
Dès lors, on ne veut mourir ni pour les Sudètes, ces 3 millions d'Allemands de Tchécoslovaquie séduits par le Reich de Hitler, ni pour Dantzig, cette « ville libre » séparée du Reich par un « corridor » polonais.
Certes, la France a signé des traités avec la Tchécoslovaquie et la Pologne !
Mais quoi, le respect de la parole donnée vaut-il une guerre ?
Il faut la paix à tout prix, à n'importe lequel !
Et quand, à Munich, le 29 septembre 1938, Daladier et l'Anglais Chamberlain abandonnent sur la question des Sudètes, et donc, à terme, livrent la Tchécoslovaquie à Hitler, c'est dans toute la France un « lâche soulagement », selon le mot de Léon Blum.
Embellie illusoire du Front populaire !
Apparente sagesse de Léon Blum de ne pas intervenir en Espagne pour soutenir un Frente popular menacé par le pronunciamiento du général Franco !
Lâche soulagement au moment de Munich.
Ce sont là les signes de la crise nationale qui rend la France aboulique, passant de l'exaltation à l'abattement, de brefs élans au repliement.
Aussi les volontaires français qui s'enrôlent dans les Brigades internationales pour aller combattre auprès des républicains espagnols
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