L'âme de la France
pays, affronter les périls, crise financière d'une nation endettée, appauvrie ?
Or c'est la division qui s'installe.
Les ouvriers, les cheminots et les fonctionnaires se lancent dans la grève, manifestent pour la journée de huit heures (deux morts le 1 er mai 1919).
En utilisant la réquisition et la mobilisation du matériel et des cheminots, le gouvernement brise la grève dans les chemins de fer au printemps de 1920.
Échec syndical et politique : des milliers de cheminots (18 000, soit 5 % de l'effectif) sont révoqués.
La justice envisage même la dissolution de la CGT.
Fort de la majorité qu'il détient, le Bloc national, républicain conservateur, inquiet de la vague révolutionnaire qui, à partir de la Russie, semble déferler sur l'Europe, est décidé à briser le mouvement social, donc à creuser un peu plus le fossé entre la majorité de la population et une minorité plus revendicative et contestatrice que révolutionnaire.
L'union sacrée est bien morte.
Pourtant, au-delà des divisions politiques, la république parlementaire continue d'écarter ceux qui, par leur personnalité, leur popularité, tentent de résister aux jeux des combinaisons politiciennes.
En janvier 1920, les parlementaires ont écarté la candidature à la présidence de la République de Georges Clemenceau, homme politique à l'esprit indépendant. À sa place, ils élisent Paul Deschanel.
Quand la folie aura contraint ce dernier à démissionner, en septembre 1920, ils choisiront Alexandre Millerand, ancien socialiste, devenu homme d'ordre et chef du Bloc national.
Mais dès que le même Millerand s'efforcera de donner quelque pouvoir à sa fonction, il rencontrera des oppositions.
Ainsi, deux ans seulement après l'armistice, la France apparaît à la fois épuisée, saignée par la guerre et divisée, cherchant des modèles dans les révolutions et les contre-révolutions qui fleurissent en Europe.
D'aucuns regardent vers Moscou et adhèrent au bolchevisme.
D'autres se tournent vers Rome, où l'on entend résonner le mot « fascisme », inventé en mars 1919 par Benito Mussolini.
Quant au pays profond, il se souvient de ceux qui sont tombés, il fleurit les tombes et les monuments aux morts.
CHRONOLOGIE IV
Vingt dates clés (1799-1920)
1804 : 21 mars, promulgation du Code civil ; 2 décembre, couronnement de Napoléon empereur
1805 : 2 décembre, Austerlitz
1812 : Campagne et retraite de Russie
1815 : 1 er mars, retour de l'île d'Elbe, et, le 18 juin, Waterloo
5 mai 1821 : Mort de Napoléon à Sainte-Hélène
1824 : Mort de Louis XVIII. Accession au trône de son frère Charles X
27, 28, 29 juillet 1830 : les Trois Glorieuses – Louis-Philipped'Orléans, roi des Français
1831 : Révolte des canuts lyonnais
25 février 1848 : Proclamation de la République
Juin 1848 : Répression contre les ouvriers des ateliers nationaux
10 décembre 1848 : Louis-Napoléon Bonaparte élu présidentde la République
2 décembre 1851 : Coup d'État. L'Empire sera proclamé le 1 er décembre 1852
4 septembre 1870 : Déchéance de l'Empire. III e République
21-28 mai 1871 : Semaine sanglante. Fin de la Commune
1875 : Vote de l'amendement Wallon. Le mot « république » dans les textes constitutionnels
1er mai 1891 : Grèves et incidents à Fourmies
30 janvier 1898 : « J'accuse ! », de Zola, en défense d'Alfred Dreyfus
9 décembre 1905 : Loi de séparation de l'Église et de l'État
3 août 1914-11 novembre 1918 : Déclaration de guerre de l'Allemagne à la France – armistice de Rethondes
28 juin 1919 : Signature du traité de Versailles.
LIVRE V
L'ÉTRANGE DÉFAITE
ET LA FRANCE INCERTAINE
1920-2007
1
LA CRISE NATIONALE
1920-1938
58.
En une quinzaine d'années – des années 20 aux années 30 du xx e siècle –, la France, passe d'un après-guerre à un avant-guerre, même si elle refuse d'imaginer que ce qu'elle vit à partir de 1933 annonce un nouveau conflit contre les mêmes ennemis allemands qu'elle croyait avoir vaincus.
Mais il existe, en fait, plusieurs France, comme si, après la « brutalisation » exercée par la guerre, l'âme de la nation avait non seulement été traumatisée, mais avait éclaté.
Il y a les Français qui pleurent dans les cimetières et se recueillent devant les monuments aux morts.
Il y a les anciens combattants qui se regroupent à
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