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L'amour à Versailles

L'amour à Versailles

Titel: L'amour à Versailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Baraton
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idées. Elle a un plan,séduire le roi, et pour ce faire elle a décidé d’attaquer non au coeur (il a La Vallière pour cela), ni plus bas (des armées de femmes s’en chargent), mais à la tête. L'aiguillon du désir qu’elle a choisi sera intellectuel, ce fameux « esprit Mortemart » dont elle a hérité. Elle croise Louis tous les jours, puisqu’elle est au service de Madame, le pique, l’agace, le chatouille à l’orgueil, et parfois, mais pas trop souvent, le met en défaut, car en comparaison avec sa repartie, les répliques du roi sont souvent fort plates. Toutefois, il paraît qu’à côté d’elle, Louis XIV ne se défend pas si mal, et c’est une première car jusqu’ici le roi était plutôt du genre taciturne. On raconte que l’esprit Mortemart possède une grâce supplémentaire, celle d’être communicatif. Personnellement, j’aurais plutôt tendance à croire que Louis s’est fait préparer ses lignes, comme il se faisait écrire ses lettres d’amour. Le jeu de fléchettes amoureuses dure depuis quelques mois : voilà qui est un peu long, même pour une précieuse. Ces derniers temps, son orgueil et son ambition l’ont rendue plus offensive : elle n’est pas si importante à la Cour, et quand elle n’est pas au centre ce qui l’est devient pour elle une cible. Elle s’en est déjà prise à La Vallière, mais c’était trop facile. Il faut agir, en l’occurrence faire agir, car si elle a porté les premiers coups, c’est au roi, à l’homme, de donner le coup de grâce. Elle l’attend avec impatience.
    D’autant plus que le temps presse. Montespan ne va pas tarder à retourner à Paris. Si tout se passe bien, quand il reviendra, elle suppliera son époux de l’emmener avec lui, de l’arracher aux avances royales. Si son plan réussit, les apparences, c’est-à-dire le principal, seront sauvées : sa vertu sera conservée, l’honneur de son époux aussi, et le roi n’en sera que davantage excité. Le marquis – même si, en bon Gascon, il sent l’ail et roule les r , devrait comprendre. On arrive enfin à Versailles. Elle est prête.
    Elle sort de la calèche : devant elle le parvis s’étend à perte de vue, le château se dresse, immense. Le roi s’excuse des nombreux jardiniers et terrassiers qui vaquent à leurs occupations. A cette époque Versailles est encore en pleins travaux.
    A côté du luxe fascinant, des travées de boue sillonnent la cour. Elle doit relever le bas de sa robe. Le roi, soucieux du désagrément, appelle une chaise à porteurs, non sans avoir au préalable jeté un oeil sur ses chevilles. Une telle attitude est osée pour une marquise : à l’époque, il suffit d’un bout de mollet pour rendre les hommes fous. Les femmes n’hésitent pas à montrer leurs seins jusqu’à la naissance du téton, mais seuls les maris, ou les amants, ont droit à l’intimité de leurs jambes. Celles de Mme de Montespan sont bien évidemment délicieuses, fines, galbées, souples, ornées debas couleur « ventre de biche ». Le geste est hardi, mais la belle est émue : tant de faste, de puissance l’impressionne. Le château déborde de richesse, les façades suintent l’argent, le jardin embaume la fortune. Et s’il y a une chose capable d’émoustiller la marquise, c’est bien le luxe. En effet, si Françoise Athénaïs de Rochechouart de Mortemart abonde en titres de gloire, de noblesse ou de beauté, elle n’a jamais été riche. Elle n’a jamais été pauvre non plus, mais dans ces familles, d’origine ou par alliance, l’argent semble filer entre les doigts. Son père, Gabriel de Rochechouart, était gentilhomme de la chambre, c’est-à-dire membre de la cinquantaine de chevaliers accompagnant Louis XIII. Il s’y dépensa et dépensa beaucoup, si bien que dès la naissance d’Athénaïs, le blason des Mortemart est certes réputé, mais élimé et reprisé de toute part. Avec son époux, elle n’a guère eu plus de chance : le marquis de Montespan est aussi noble que désargenté. Derrière le jeune roi qui lui a ouvert la porte du carrosse, et qui certes n’est pas sans lui déplaire, elle voit une gigantesque tirelire, inépuisable. On l’a dit femme de coeur parfois, de pouvoir souvent, manipulatrice ou passionnée. Je crois qu’elle était avant tout une femme d’argent : n’était-ce pas la seule chose dont elle avait manqué? Son père ne sera pas moins pragmatique : « Pour une fois que la fortune rentre dans la famille

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